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Un enfant, un jouisseur… Pas une idée, pas une volonté dans ces yeux de plaisir… Mais regarde-le donc !

Il montrait le roi qui entrait en valsant, les yeux noyés, le front moite, sa tête toute petite et ronde penchée sur l’épaule nue de la danseuse, la humant de sa lèvre ouverte, avec une tentation de s’y rouler. Dans l’ivresse montante du bal, le couple passa près d’eux sans les voir, les toucha de son haleine haletante ; et comme on envahissait la galerie pour regarder danser Christian II, le premier valseur de son royaume, Hezeta et Méraut se réfugièrent dans l’embrasure profonde d’une des croisées ouvertes sur le quai d’Anjou. Ils restèrent là longtemps, à demi dans la rumeur et le tourbillon du bal, et l’ombre fraîche, le silence apaisant de la nuit.

— Les rois ne croient plus, les rois ne veulent plus. Pourquoi nous entêterions-nous pour eux ? disait l’Espagnol d’un air farouche.

— Vous ne croyez plus… Et cependant vous partez ?

— Je pars.

— Sans espoir ?

— Un seul… Celui de me faire casser la tête, ma pauvre tête que je ne sais plus où poser.

— Et le roi ?

— Oh ! celui-là, je suis bien tranquille…

Voulait-il dire que Christian II n’était pas