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Sainte, qui pendant cinquante ans as soigné ta vieille tante paralytique, mouché, couché, dix-huit petits-cousins ; et vous digne abbé Bourillou, desservant de Saint-Maximin-le-Haut, qui vous en alliez par des temps de loup porter secours et consolation aux fromagers de la montagne, vous ne vous doutiez pas que l’Institut de France, après avoir couronné vos efforts d’une récompense publique, aurait de vous honte et mépris, et que vos noms bousculés, bredouillés, s’en iraient à peine distincts dans l’inattention, le susurrement des conversations impatientes ou ironiques ! Cette fin de discours est une déroute. Et comme pour courir plus vite le fuyard jette son sac et ses armes, ici ce sont des traits d’héroïsme, d’angéliques abnégations que le rapporteur abandonne au fossé, sans le moindre remords, car il sait que les journaux de demain reproduiront son discours en entier et que pas une ne sera perdue de ces jolies phrases tortillées en papillotes. Enfin le voici au bout. Quelques bravos, des « Ah ! » soulagés. Le malheureux se rassied, s’éponge, reçoit les félicitations de deux ou trois confrères, les dernières vestales du style académique. Puis il y a cinq minutes d’entr’acte, un ébrouement général de la salle qui se remet, s’étire.

Tout à coup grand silence. Un autre habit vert vient de se lever.