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LES ROIS EN EXIL

— Mon père est là ?

— Oui, madame… Dans l’atelier… Je vas l’appeler.

— C’est inutile… Je sais où c’est…

Elle traversa l’antichambre, le salon, ne fit que trois enjambées du jardin, — un puits noir entre de grands murs où montaient quelques arbres, — encombré dans ses allées étroites par d’innombrables vieilleries, ferrailles, plomberies, rampes ouvragées, fortes chaînes dont le métal oxydé et noirci s’accordait bien avec les buis tristes, le ton verdâtre de la vieille fontaine. D’un côté, un hangar débordant de débris, carcasses de meubles cassés de tous les temps, avec des entassements de tapisseries roulées dans les coins ; de l’autre, un atelier tout en vitres dépolies pour échapper aux indiscrétions des étages voisins. Là, montait jusqu’au plafond, dans un apparent désordre, un assemblage de richesses, connues seulement du vieux à leur juste valeur : lanternes, lustres, torchères, panoplies, brûle-parfums, bronzes antiques ou exotiques. Au fond, deux fourneaux de forgeron, des établis de menuisier, de serrurier. C’est là que le brocanteur retapait, copiait, rajeunissait les vieux modèles avec une habileté prodigieuse et des patiences de bénédictin. Autrefois le vacarme était grand du matin au soir, cinq ou six ouvriers entourant le maître ; on n’entendait plus maintenant