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lui donnait des nouvelles de sa nièce, de sa vie à Saint-Mandé, lui apportait le reflet de ses grandeurs qui coûtaient si cher au brave homme et dont il ne serait jamais témoin. Sans doute il était fier de penser à la jeune dame d’honneur dînant avec des rois et des reines, évoluant dans un cérémonial de cour ; seulement le chagrin de ne pas la voir augmentait sa mauvaise humeur, ses rancunes contre le vieux Rosen.

— Qu’a-t-il donc pour être si glorieux ? Son nom, son titre ?… Mais avec mon argent je me les suis payés… Ses croix, ses cordons, ses crachats ?… Eh ! je les aurai quand je voudrai… Au fait, mon cher Méraut, vous ne savez pas… Depuis que je ne vous ai vu, il m’est arrivé une bonne fortune.

— Laquelle, mon oncle ?

Il l’appelait « mon oncle » par une familiarité affectueuse, bien du Midi, l’envie de donner une étiquette à la sympathie particulière — sans lien d’esprit — qu’il éprouvait pour ce gros marchand.

— Mon cher, j’ai le Lion d’Illyrie… la croix de commandeur… Le duc qui est si fier avec son grand cordon !… Au jour de l’an, quand j’irai lui faire visite, je me colle ma plaque… ça lui apprendra…

Élisée n’y voulait pas croire. L’ordre du Lion ! un des plus anciens, des plus recherchés en