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LES ROIS EN EXIL

moments comme il y en a dans le trafic, où l’on se sent serré, acculé : « Je prends le cab ! » dit Tom et il est sûr d’y trouver quelque idée. Il combine, il pèse, il commente, tandis que les Parisiens voient filer dans la boîte transparente, à roulettes et ras du sol, cette silhouette d’homme préoccupé qui mâchonne son favori droit avec énergie. C’est dans le cab qu’il a imaginé ses plus beaux coups, ses coups de la fin de l’empire. Ah ! c’était le bon temps alors. Paris bondé d’étrangers, et non pas des étrangers de passage, mais une installation de fortunes exotiques ne demandant que noces et ripailles. Nous avions le Turc Hussein-Bey et l’Égyptien Mehemet-Pacha, deux fez célèbres autour du lac, et la princesse de Verkatscheff, qui jetait tout l’argent des monts Ourals par les quatorze fenêtres de son premier du boulevard Malesherbes, et l’Américain Bergson, à qui Paris dévorait les revenus énormes de ses mines de pétrole Bergson — est rentré dans ses fonds depuis ! — et des nababs, des flottes de nababs de toutes les couleurs, des jaunes, des bruns, des rouges, panachant les promenades et les théâtres, pressés de dépenser, de jouir, comme s’ils prévoyaient qu’il faudrait vider le grand cabaret en liesse, avant l’explosion formidable qui allait en crever les toits, briser les glaces et les vitres.

Comptez que J. Tom Lévis était l’intermé-