Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de n’être pas trompé, car J. Tom Lévis est Anglais, et la loyauté commerciale de l’Anglais est connue dans les deux mondes.

Anglais, J. Tom Lévis l’est comme il n’est pas permis de l’être davantage, depuis le bout carré de ses souliers de quaker, jusqu’à sa longue redingote tombant sur son pantalon à carreaux vert, jusqu’à son chapeau pyramidal aux rebords minuscules, laissant ressortir sa face boulotte, rougeaude et bon enfant. La loyauté d’Albion se lit sur ce teint nourri de beefstecks, cette bouche fendue jusqu’aux oreilles, la soie blondasse de ces favoris inégaux par la manie qu’a leur propriétaire d’en dévorer un, toujours le même, dans ses moments de perplexité ; elle se devine dans la main courte, aux doigts duvetés de roux, chargés de bagues. Loyal aussi paraît le regard sous une large paire de lunettes à fine monture d’or, tellement loyal que lorsqu’il arrive à J. Tom Lévis de mentir — les meilleurs y sont exposés, — les prunelles, par un singulier tic nerveux, se mettent à virer sur elles-mêmes comme de petites roues emportées dans la perspective d’un gyroscope.

Ce qui complète bien la physionomie anglicane de J. Tom Lévis, c’est son cab, le premier véhicule de ce genre qu’on ait vu à Paris, la coquille naturelle de cet être original. A-t-il une affaire un peu compliquée, un de ces