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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

où les places sont limitées et données aux plus méritants, l’emporterait en dehors de la faveur et de la brigue prouverait même qu’elle était supérieure à ses compétiteurs de l’un ou de l’autre sexe pour la spécialité où on la leur a préférée.

La société qui, par esprit de système, prétend ici se substituer à la nature, montre une insanité incompatible avec l’harmonie et l’ordre publics, car il suffit d’être libre de préjugés pour comprendre que la liberté la plus complète ne saurait faire accomplir l’impossible aux femmes ; pour savoir que l’égalité, qui n’est que le respect des droits individuels, ne peut conduire à l’identité, par la raison toute simple qu’on ne refait pas la nature, même en la contrariant, en la comprimant et en l’étouffant. S’il est tyrannique d’interdire à la femme ce que sa constitution lui permet, il est par là même oiseux de lui défendre ce que cette constitution ne lui permet point, puisque l’incapacité réelle rendant les entreprises ridicules et insensées fait tomber d’eux-mêmes les efforts impuissants. Il faut donc combattre à tout prix cette école d’absolutisme qui se substitue trop souvent à la concurrence, c’est-à-dire à la nature secondée par la liberté, pour exclure sans examen les femmes des métiers où elle les prétend incapables ou inférieures à l’homme.

L’intérêt des femmes fût-il seul en cause ici, notre arbitraire blesserait le droit moral qu’a tout individu de choisir ses occupations à ses risques et périls, d’après ses préférences particulières ; mais l’injustice frappe aussi ceux qui pourraient profiter des services des femmes ; ainsi, en supprimant les compétitions et l’influence excitante qu’un plus grand nombre de concurrents exerceraient sur les compétiteurs, elle restreint les limites de leur choix au grand détriment de tous. Une somme incalculable de troubles économiques et moraux résultent de la négation de ces principes incontestables ; il est donc urgent de les appliquer tout d’abord dans l’enseignement professionnel des femmes et de démontrer que toutes les branches d’études doivent leur être accessibles, sans excepter celles dont les hommes se sont fait un monopole spécial, parce qu’elles