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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

tout esprit de système et à reconnaître que les lois du développement naturel de l’individu s’opposent à ces théories absolues fondées sur des conjectures et trop souvent démenties par les faits, parce que la diversité des esprits n’admet pas nos règles inflexibles. Si l’on s’étonne à bon droit de voir certains philosophes construire des systèmes erronés sur la nature et la destinée des femmes pour s’être bornés à l’examen du milieu où ils vivaient, on peut s’effrayer des idées fausses que l’égoïsme seul est à même de dicter sur ce sujet aux masses illettrées.

Pour qui veut juger sainement, il est très-facile d’établir qu’un grand nombre des différences intellectuelles et morales qu’on remarque aujourd’hui entre les sexes résultent des conditions sociales où se développe la femme frappée d’incapacité. Les faits qui pèsent sur elle pendant toute sa vie, les passions et les préjugés qui la retiennent en servage, doivent nécessairement modifier ses aptitudes, sans qu’on puisse conclure à une infériorité radicale.

Personne n’en disconviendra, la femme n’est nullement dans l’ordre moral et économique ce que la nature et la raison demandent qu’elle soit. Dès que sa vocation et les lois progressives de son développement sont contrariées, ses dons particuliers restant sans valeur, il est impossible de porter des jugements sains sur son compte. Une comparaison entre les femmes de l’ancien monde et celles du nouveau suffirait pour justifier cette assertion. Quand notre instruction aura été aussi solide et aussi forte qu’elle est faible et incohérente, quand notre curiosité aura été tournée vers les idées générales, alors, seulement alors, on pourra prononcer en meilleure connaissance de cause sur nos facultés. Dans une question dont les conséquences sont si graves pour l’individu et pour l’ordre public, écartons donc ces généralisations empiriques, ces idées qui, dépourvues d’analyse et d’esprit philosophique, n’ont aucun de ces caractères de certitude, de ces lois immuables que les sciences exactes tirent de l’observation de faits invariables et constants.

D’autre part, toutes les causes d’infériorité sociale de