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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

on a conféré à ceux-ci divers avantages dont on a exclu les femmes. Prenez le seul cas de la propriété d’une femme mariée ; il suffira pour montrer la manière différente dont les femmes sont traitées par suite de l’incapacité où elles sont de faire sentir et comprendre leurs propres intérêts, comme les hommes font sentir et comprendre les leurs. Mais ce qu’il y a de plus grave, on nous objecte que les franchises électorales exerceront une influence dégradante sur le caractère des femmes. Des personnes qui ne peuvent pas aussi bien le démontrer que l’imaginer, et qui le pensent sans être à même de le prouver, ne peuvent, en raison d’un sentiment vague, supporter d’accorder le suffrage aux femmes, dans la crainte des effets redoutables, qu’à leur avis, il exercerait sur le caractère féminin. Ces personnes semblent prévoir un temps où toutes les femmes parcourront le pays pour faire des discours, des conférences et des prédications ; elles craignent qu’au lieu de s’occuper à lire la chronique du jour, achetée au colportage, les femmes affranchies n’étudient des livres aussi pernicieux et aussi corrupteurs que la Logique de J. Stuart-Mill et l’Histoire de Grèce de Grote. C’est sans doute une très-terrible perspective ; elle doit particulièrement alarmer beaucoup les jeunes gens qui viennent de terminer leur éducation dans nos écoles publiques ou nos universités, et qu’on peut par là même supposer entièrement incapables de comprendre ces sujets ; pour mon compte, je ne redoute point ces effroyables résultats, quoi qu’on puisse faire relativement à l’éducation et à l’émancipation des femmes ; je crains de ne point pouvoir affirmer qu’il y ait jamais un temps où l’on ne trouve pas un nombre de femmes frivoles suffisant pour tous les besoins de la vie sociale, car je vois que quoique toutes les branches de la vie publique soient ouvertes aux hommes, qui n’en sont exclus par aucune prohibition politique, rien néanmoins jusqu’à présent n’abonde comme les hommes frivoles.

Mais, dit-on, les femmes vont être détournées de leurs devoirs domestiques, et leur temps sera employé en agitation et en affaires politiques.