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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

des seuls principes qu’on leur a appris à cultiver ? Considérons un autre point. Qu’est-ce qui fait que le clergé en général, même en dehors de préjugé direct de profession, est un conseiller si périlleux dans la politique et dans les affaires de la vie ? C’est parce qu’il est trop dans la position des femmes ; sous une apparence de déférence, on le repousse de la discussion libre et égale sur les grandes questions pratiques, et on lui enseigne à se croire borné à la question morale et religieuse, dans le sens étroit attaché à ces mots ; car dans un sens plus large, toutes les questions relatives au juste et à l’injuste sont morales et religieuses. Cette condition n’est-elle pas analogue à celle des femmes ? À ceux qui craignent l’influence du clergé sur l’esprit des femmes je dirai : « Si le clergé a sur l’esprit des femmes plus de cette influence qu’il n’appartient à son caractère et à son degré de culture, soyons justes et convenons qu’il l’a loyalement acquise. »

Le clergé, comme classe, est le seul qui ait pris quelque peine pour cultiver l’esprit des femmes ; le seul qui ait fait un appel direct à leurs convictions et à leurs principes personnels ; le seul qui se soit adressé à elles comme si elles avaient une responsabilité morale, comme si leurs âmes et leurs consciences leur appartenaient.

Les prêtres sont les seuls hommes qui ont semblé croire que les pensées et les sentiments des femmes ont quelque conséquence sur les sujets en dehors de la sphère domestique. Ceux qui montrent ce respect pour les femmes méritent d’avoir de l’influence sur elles et continueront à en avoir une trop grande, jusqu’à ce que d’autres hommes emploient les mêmes moyens d’influence que les leurs. Si les pères, les frères, les maris de ces femmes prenaient le même soin de leur esprit ; s’ils les invitaient à s’intéresser aux questions qui les intéressent eux, pères, frères et maris, comme le clergé le fait pour les questions qui l’intéressent lui-même ; s’ils leur enseignaient, par la responsabilité d’un vote, que la formation d’une opinion intelligente sur les questions publiques est autant leur droit et leur devoir qu’il est