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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

des discussions pour rectifier l’erreur, au lieu de leur laisser découvrir après des années que des lois révoltant leurs sentiments les plus intimes ont été votées presque en secret ? » Ce serait certainement un des bienfaits du suffrage des femmes que la répression de tels procédés, que la contrainte où il mettrait les législateurs de prendre en considération les sentiments moraux des personnes chez lesquelles ces sentiments sont les plus vifs, et d’accueillir ces sentiments moraux, au lieu de les repousser d’une façon si dédaigneuse.

Beaucoup d’hommes libéraux et éclairés sur des sujets généraux, qui, par leurs sentiments personnels, inclineraient à rendre justice aux femmes, craignent l’effet immédiat de leur admission au suffrage, parce que, dans leur opinion, elle accroîtrait beaucoup le pouvoir du clergé. Je n’ai jamais nié que, si le suffrage leur était accordé aujourd’hui ou demain, quelque chose de tel ne put être temporairement un résultat possible. En désaccord comme je le suis d’opinion et de sentiments avec la plus grande partie du clergé, sur plusieurs points importants, je ne suis pas homme à déprécier cette objection. Mais il est évident pour moi que si le clergé a maintenant un trop grand ascendant sur l’esprit de beaucoup de femmes, surtout de la classe moyenne, c’est parce qu’elles sont restées en dehors des autres influences qui stimulent l’intelligence humaine et forment les opinions. Elles n’ont reçu aucun encouragement pour lire les livres, ou prendre part aux conversations qui leur auraient montré que certaines opinions qu’elles reçoivent du clergé sont contestées et contestables. Même sans découragement direct, elles n’ont pas assez d’instruction pour prendre intérêt à de telles lectures et à de semblables conversations, parce qu’elles ont été dressées à croire que la part des femmes est d’accepter les opinions dominantes, et que la méditation profonde de sujets importants, et la formation d’opinions solidement établies par l’audition des arguments opposés, n’est pas du tout leur affaire. Comment serait-il possible qu’elles ne tombent pas sous l’influence de ceux qui s’adressent à elles au moyen des seuls sentiments et