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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

n’avons rien à y voir, parce que cette question relèvera toujours des lois de la concurrence, des convenances locales et individuelles[1]. Puis en dehors de là il y a en France environ quinze mille communes de cinq cents âmes et au-dessous, parmi lesquelles on compte des groupes de moins de cent habitants ; un seul instituteur n’y est pas assez occupé, et une centralisation administrative, dont les procédés rappellent ceux de Procuste, songerait à leur imposer deux écoles spéciales laïques ! Nous comptons en outre quantité de communes plus importantes où nous avons déjà le regret de voir imposer deux écoles spéciales lorsqu’une école mixte suffirait souvent à leur population scolaire. Faut-il qu’une ingérence intempestive dans leurs affaires les contraigne encore à s’épuiser, pour créer deux écoles congréganistes à côté des deux écoles publiques séculières exigées d’elles contre leur gré ? Mais si l’un continuait ainsi à s’attaquer aux effets du mal, on ne ferait que froisser l’esprit des communes par cette tyrannie maladroite ; alors la rétribution scolaire assurée par la préférence des habitants à la sœur qu’on chasserait de l’école publique lui permettrait d’ouvrir une école privée dans la commune, et un antagonisme fâcheux, y multipliant les dépenses en divisant les forces, accablerait d’impopularité l’enseignement communal avec son personnel médiocre et ses écoles désertées. Ah ! bien plutôt, en remontant aux causes du mal, combattons efficacement ces conséquences funestes et laissons ensuite les citoyens libres d’enseigner tous la même notion du devoir social, qu’ils auront puisée sous le régime vivifiant du droit commun.

Mais ce régime de liberté exclut, il faut bien s’en convaincre, les lois arbitraires et les priviléges injustes qui ont permis aux congrégations religieuses d’absorber et d’écraser l’enseignement séculier des femmes.

  1. En dehors de la supériorité morale que la protection paternelle du couvent donne à la sœur, nombre de communes la préfèrent pour n’avoir pas à se préoccuper des éventualités de mariage qui distraient l’institutrice laïque de ses fonctions ou l’y enlèvent complètement.