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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

ment secondaire, surtout pour les classes inférieures de nos colléges et de nos lycées, où les jeunes enfants réclament des soins maternels.

Nos grandes villes peuvent dès aujourd’hui mettre à la disposition des jeunes filles ces riches bibliothèques qui sont trop souvent un monopole universitaire, et leur faciliter les études par le don ou le prêt de quelques livres. Alors nos institutrices, vraiment dignes de ce nom, pourront, comme aux États-Unis, se réunir avec les instituteurs et les inspecteurs pour discuter, en présence des amis des études, les moyens de perfectionner l’enseignement et développer les facultés intellectuelles et morales par la lecture et l’observation[1].

Mais ne nous le dissimulons pas, il nous faudra de longues années, des dévouements sans bornes et de grands sacrifices pour former des femmes éprouvées par leur aptitude, leur science et leur caractère. Les réformes proposées ici seraient en outre impraticables si nous n’enlevions aux congrégations religieuses les priviléges injustes qui leur ont permis d’écraser nos institutions séculières. C’est ce qui nous amène à examiner la question de l’enseignement laïc et de la lettre d’obédience. Et d’abord parce que le couvent, fort déjà de l’isolement, de l’abandon et de l’oppression de la femme pauvre, a tout accaparé en vertu de priviléges injustes et immoraux, faut-il lui enlever ses droits légitimes ; parce qu’il opprime l’enseignement séculier, l’enseignement séculier doit-il l’opprimer à son tour ; en un mot, l’instruction doit-elle et peut-elle être à priori exclusivement laïque ? Notre esprit centralisateur et autoritaire, qui fait dire volontiers à tout individu : l’État c’est moi, nous disposerait à agir ainsi, mais la considération des droits individuels et de l’égalité civile nous montre la question plus complexe ; elle nous la fait voir surtout loin de la hauteur d’un principe, c’est-à-dire d’une maxime tellement vraie, qu’elle ne souffre aucune contradiction et puisse se transformer en loi immuable

  1. Ces congrès où instituteurs et institutrices font des lectures et des conférences ont lieu tous les ans, huit ou quinze jours, dans une ville de chaque État.