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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

une. Ainsi l’enfant, obéissant sans voir la raison des choses, prend en horreur un assujettissement humiliant qui et la négation de la conscience et de la liberté, et l’adulte, qui a perdu l’habitude de penser, ne conserve que l’aversion pour l’autorité souvent aussi despotique qu’il rencontre dans l’ordre social. Mais cette soumission aveugle aux impulsions d’une volonté étrangère lui a pour jamais énervé le caractère ; n’ayant pas eu à délibérer sur les inconvénients et les avantages des partis à prendre, ne s’étant proposé aucun but poursuivi à ses risques et périls, il reste un être passif quand son moteur d’emprunt lui manque.

Qu’on regarde plutôt à l’œuvre notre jeunesse des deux sexes qui gagne sa vie loin du foyer et du pays natal. Hélas ! jetée dans une société d’où l’idée du devoir est bannie, entourée de sollicitations et d’exemples mauvais, cette jeunesse à peine échappée à la férule du pédagogue se trouve aussi inconsistante que le liège sur l’eau. Elle fait ce qu’elle voit faire, telle est sa règle de conduite ; tout le monde en fait autant, tel est son cri naïf d’étonnement quand on lui rappelle les éternels principes du juste, du vrai et du bien. Où en prendrait-elle du reste les notions ; d’où saurait-elle que des lois nécessaires veulent que la paix sociale soit attachée à l’ordre, puisque nos lois, nos institutions et nos mœurs ont jusqu’à présent veillé sous toutes les formes à ce que chacun né pour soi puisse se soustraire aux devoirs de patrie, de famille et d’humanité même ? Si l’enseignement mixte et l’externat, reprend-on, donnent à la fois une discipline et une indépendance désirables, se concilient-ils avec ces grâces, ces prévenances, cette pureté, cette délicatesse de mœurs que nous réclamons des femmes, et les principes donnés aux jeunes gens dans l’enseignement secondaire et supérieur ne seraient-ils point nuisibles aux jeunes filles ?

D’abord quand on parle de la pureté et des grâces de la femme, il faudrait s’entendre et savoir si l’on a en vue celle qui travaille ou celle qui rougit du travail ; celle qui décore son ignorance niaise du nom de vertu ou celle que les nécessités de la vie sociale font élever par des hommes