Page:Daubié - L'émancipation de la femme, 1871.pdf/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

cessaire entre les idées et les sentiments de l’homme et de la femme qu’entre leurs organes ; que les dix commandements de Dieu ne font nulle acception des sexes ; que le Christ a apporté à tous le même code ; qu’il doit en être de même parmi les peuples libres, afin que la nouvelle Jérusalem descende du ciel pour habiter la terre, etc.

Certains absolutistes intraitables ; qui prétendent nous régénérer par le fer et le feu, affirment aussi que l’âge d’or allait apparaître sans nos prétentions intempestives :

Jam nova progenies cœlo demittitur alto.

Eh quoi ! s’écrient-ils, quand tout est en question, au moment où il faut fonder le gouvernement et les lois sur la justice, vous venez écraser le progrès sous l’avalanche de vos superstitions et de vos préjugés.

La preuve, répondrai-je, que le suffrage universellement masculin, quelques réformes qu’on y apporte, est impuissant à fonder le droit et le devoir social, c’est qu’il a accru, sans contredit, dans ces vingt dernières années l’antagonisme qui existait entre l’éducation de l’homme et de la femme, et n’a songé à émanciper celle-ci par aucune loi rationnelle ; c’est qu’il n’a su sanctionner ni même affirmer un seul principe nécessaire dans l’ordre moral et économique, ni, par conséquent, dans l’ordre politique. En raisonnant à la manière de mes antagonistes, je pourrais conclure ainsi à l’interdiction du suffrage masculin, et encore mes arguments seraient-ils mieux fondés que les leurs, puisqu’ils n’ont que des préjugés à opposer à des faits.

Mais enfin considérons cet âge d’or qu’on prépare sans nous et malgré nous ; il est évident pour tous que la régénération de la France dépend de sa réforme morale ; que cette réforme morale dépend de l’émancipation de la femme ; que l’émancipation de la femme dépend de la responsabilité de l’homme ; que la responsabilité de l’homme dépend de l’abrogation des lois et des institutions qui favorisent les désordres de sa vie privée. Or, demandez aux vrais réformateurs s’ils croient que le