Page:Daubié - L'émancipation de la femme, 1871.pdf/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

vre les cours de la faculté ouverte aux jeunes gens dans sa commune ne trouverait pas moyen de s’instruire. C’est une des causes qui expliquent la supériorité intellectuelle des peuples qui admettent l’enseignement mixte à tous les degrés sur ceux qui la repoussent.

Cette égalité civile dans les moyens d’instruction est du reste, comme nous l’avons fait remarquer, un droit particulier pour la femme, contribuable et administrée au même titre que l’homme ; pour la fille pauvre surtout, qui alimente par l’octroi et les contributions indirectes ces écoles d’où on la repousse, et qui, faute d’initiative sociale pour l’apprentissage d’un métier, tombe souvent dans la dégradation la plus abjecte.

Au point de vue intellectuel, l’enseignement mixte nous paraît également constituer un progrès essentiel et nécessaire ; lorsque l’instruction spécialisée d’après un système arbitraire de centralisation administrative, les locaux, trop nombreux pour les besoins de l’ensemble de la population scolaire, sont mal pourvus du matériel nécessaire aux explications des maîtres ; ceux-ci trop nombreux sont souvent mal rétribués et, par conséquent, mal recrutés ; une disproportion affligeante s’établit alors entre le développement des garçons et celui des filles, surtout lorsque celles-ci sont livrées à des institutrices sans diplômes qui répandent dans toute la commune la contagion de leur ignorance et de leurs préjugés. S’il en est ainsi pour l’enseignement primaire, que dire de l’enseignement secondaire et supérieur qui n’existent point pour la femme ? On ne saurait calculer les conséquences funestes de ce manque d’harmonie dans les intelligences.

L’interdiction pour la femme de puiser l’instruction aux mêmes sources que l’homme est en outre une négation de nos théories d’égalité civile qui établit un antagonisme déplorable entre nos principes et nos mœurs. En dehors de tout système préconçu sur les aptitudes propres à chaque sexe, et sur leur destination sociale, il faut songer qu’il en est pour eux de la nourriture intellectuelle comme de la nourriture corporelle ; chacun se l’assimile selon sa nature et ses besoins sans qu’hommes