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LA TERRE DE FEU.

conserve les mêmes caractères que ceux qui distinguent la Patagonie ; mais on ne trouve pas un seul de ces animaux à la Terre de Feu. On peut facilement comprendre que le climat de ce pays ne convient pas à quelques reptiles, les lézards, par exemple ; mais il n’est pas aussi facile de s’expliquer l’absence des grenouilles.

On ne trouve que fort peu de Scarabées. Une longue expérience a seule pu me convaincre qu’un pays aussi grand que l’Écosse, si parfaitement couvert de végétaux et offrant des parties si différentes les unes des autres, pût contenir aussi peu d’insectes. Ceux que j’ai trouvés appartiennent à des espèces alpestres (Harpalidæ et Heteromera), qui vivent sous les pierres. Les Chrysomélides, qui se nourrissent de végétaux, insectes si caractéristiques des pays tropicaux, font presque absolument défaut ici ; j’ai vu quelques mouches, quelques papillons, quelques abeilles, mais aucun orthoptère[1]. J’ai trouvé dans les étangs quelques insectes aquatiques, mais en fort petit nombre ; il n’y a pas de coquillages d’eau douce. La Succinea paraît d’abord une exception, mais ici on doit la regarder comme un coquillage terrestre, car elle vit sur les herbes humides, loin de l’eau. Les coquillages terrestres fréquentent seulement les mêmes endroits alpestres que les insectes. J’ai déjà indiqué quel contraste existe entre le climat et l’aspect général de la Terre de Feu et celui de la Patagonie ; l’entomologie nous en offre un exemple frappant. Je ne crois pas que ces deux contrées aient une seule espèce en commun, et certainement le caractère général des insectes est tout différent.

Si, après avoir examiné la terre, nous examinons la mer, nous verrons que cette dernière contient des créatures vivantes en aussi grand nombre que la terre en nourrit peu. Dans toutes les parties du monde, une côte rocheuse protégée quelque peu contre les vagues nourrit peut-être, dans un espace donné, un plus grand nombre d’animaux que tout autre lieu. On trouve à la Terre de Feu une pro-

  1. Je crois qu’il faut en excepter une Attica alpestre et un spécimen unique de Melasoma. M. Waterhouse m’apprend qu’il y a huit ou neuf espèces d’Harpalides (les formes de la plupart de ces espèces sont toutes particulières), quatre ou cinq espèces d’Heteromera, six ou sept de Rhynchophora, et une espèce de chacune des familles suivantes : Staphylinidæ, Elateridæ, Cebrionidæ, Melolonthidæ. Les espèces dans les autres ordres sont en plus petit nombre encore. Dans tous les ordres, la rareté des individus est même encore plus remarquable que celle des espèces. M. Waterhouse a décrit avec soin, dans les Annals of Nal. Hist., la plupart des Coléoptères.