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certains cas, elles n’ont pu être acquises qu’au prix non-seulement d’inconvénients, mais de dangers réels.

La croyance à la puissance de la sélection sexuelle repose surtout sur les considérations suivantes. Les caractères que nous pouvons supposer avec le plus de raison produits par elle sont limités à un seul sexe ; ce qui suffit pour rendre probable qu’ils ont quelques rapports avec l’acte reproducteur. Ces caractères, dans une foule de cas, ne se développent complètement qu’à l’état adulte, souvent pendant une saison seulement, laquelle est toujours la saison des amours. Les mâles (sauf quelques exceptions) sont les plus empressés auprès des femelles, ils sont mieux armés, et plus séduisants sous divers rapports. Il faut observer que les mâles déploient leurs attraits avec le plus grand soin en présence des femelles, et qu’ils ne le font que rarement ou jamais en dehors de la saison des amours. On ne peut supposer que tout cet étalage se fasse sans but. Enfin, nous trouvons chez quelques quadrupèdes et chez différents oiseaux les preuves certaines que les individus d’un sexe peuvent éprouver une forte antipathie ou une forte préférence pour certains individus de l’autre sexe.

D’après ces faits, et en n’oubliant pas les résultats marqués que donne la sélection inconsciente exercée par l’homme, il me paraît presque certain que si les individus d’un sexe préféraient, pendant une longue série de générations, s’accoupler avec certains individus de l’autre sexe, doués d’un caractère particulier, leurs descendants se modifieraient lentement, mais sûrement, de la même manière. Je n’ai pas cherché à dissimuler que, excepté les cas où les mâles sont plus nombreux que les femelles, et ceux où prévaut la polygamie, nous ne pouvons affirmer comment les mâles les plus séduisants réussissent à laisser plus de descendants pour hériter de leurs avantages d’ornementation ou autres moyens de séduction que les mâles moins bien doués sous ce rapport ; mais j’ai démontré que cela devait probablement résulter de ce que les femelles, — surtout les plus vigoureuses comme étant les premières prêtes à reproduire, — préfèrent non-seulement les mâles les plus attrayants, mais en même temps les vainqueurs les plus vigoureux.

Bien que nous ayons la preuve positive que les oiseaux apprécient les objets beaux et brillants, comme les oiseaux d’Australie qui construisent des berceaux, et qu’ils apprécient le chant, j’admets cependant qu’il est étonnant que les femelles de beaucoup d’oiseaux et de quelques mammifères soient douées d’assez de goût pour produire ce que la sélection sexuelle paraît avoir effectué. Le fait est encore plus surprenant quand il s’agit de reptiles, de pois-