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de l’analogie avec lui, suffisait pour éveiller ses passions[1]. »

Nous avons vu, dans un des premiers chapitres de cet ouvrage, que les facultés mentales des animaux supérieurs ne diffèrent pas en nature, bien qu’elles diffèrent énormément en degré, des facultés correspondantes de l’homme, surtout de celles des races inférieures et barbares ; et il semblerait même que le goût de ces dernières pour le beau est peu différent de celui des Quadrumanes. De même que le nègre africain taille la chair de son visage de façon à produire des « crêtes ou des cicatrices parallèles faisant fortement saillie au-dessus de la surface normale, affreuses difformités qu’il considère comme constituant un grand attrait personnel[2], » — de même que les nègres aussi bien que les sauvages de beaucoup de parties du monde peignent sur leur visage des bandes rouges, bleues, blanches ou noires, — de même aussi le mandrill africain mâle semble avoir acquis son visage profondément sillonné et fastueusement coloré, pour devenir plus attrayant pour la femelle. Il peut, sans doute, nous sembler grotesque que la partie postérieure du corps se soit colorée encore plus vivement que le visage dans un but d’ornementation, mais cela n’est pas plus étrange que les décorations spéciales dont la queue de tant d’oiseaux forme le siège.

Il ne semble pas que les mammifères mâles se donnent la moindre peine pour étaler leurs charmes devant les femelles ; les oiseaux mâles au contraire s’ingénient de toutes les façons pour y arriver, et c’est là un des plus forts arguments en faveur de l’hypothèse que les femelles admirent les ornements et les couleurs étalés devant elles et se laissent séduire par ce spectacle. On observe toutefois un parallélisme frappant entre les mammifères et les oiseaux au point de vue des caractères sexuels secondaires ; les uns et les autres sont en effet pourvus d’armes pour combattre les mâles leurs rivaux, d’appendices et de couleurs diverses constituant des ornements. Dans les deux classes, lorsque le mâle diffère de la femelle, les jeunes des deux sexes se ressemblent presque toujours, et, dans la majorité des cas, ressemblent aux femelles adultes. Dans les deux classes, le mâle revêt les caractères propres à son sexe au moment de parvenir à l’âge adulte, et la castration l’empêche de jamais acquérir ces caractères, ou les lui fait perdre plus tard. Dans les deux classes, le changement de couleur dépend quelquefois de la saison, et les teintes des parties nues augmentent parfois d’intensité pendant la saison des amours. Dans les deux

  1. Essay and Observations, de Hunter, édité par Owen, vol. I, p. 194, 1861.
  2. Sir S. Baker, The Nile tributaries of Abyssinia, 1867.