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plumes ornementales pendant l’hiver ; or, il n’est guère possible d’admettre qu’il y ait dans la constitution de ces oiseaux, au moins chez les gallinacés, quelque chose qui rende une double mue impossible, car le ptarmigan en subit trois pendant l’année[1]. Nous devons donc considérer comme douteuse la question de savoir si les espèces nombreuses qui perdent en muant leurs plumes d’ornement et leurs belles couleurs, pendant l’hiver, ont acquis cette habitude en raison de l’incommodité ou du danger qui aurait pu autrement en résulter pour elles.

Je conclus, par conséquent, que l’habitude de la mue bisannuelle a été d’abord acquise, dans la plupart des cas ou dans tous, dans un but déterminé, peut-être pour revêtir une toison d’hiver plus chaude ; et que les variations survenant pendant l’été, accumulées par la sélection sexuelle, ont été transmises à la descendance à la même époque de l’année. Les individus des deux sexes ou les mâles seuls ont hérité de ces variations, suivant la forme de l’hérédité prépondérante chez chaque espèce particulière. Cette hypothèse me semble très-probable ; il est difficile de croire en effet que les espèces aient primitivement eu une tendance à conserver pendant l’hiver leur brillant plumage, et que la sélection naturelle soit intervenue pour les en débarrasser à cause des dangers et des inconvénients que pourrait amener la conservation de ce plumage.


J’ai cherché à démontrer dans ce chapitre qu’on ne peut guère se fier aux arguments avancés en faveur de la théorie qui veut que les armes, les couleurs éclatantes et les ornements de divers genres, appartiennent actuellement aux mâles seuls, parce que la sélection naturelle est intervenue pour convertir une tendance à l’égale transmission des caractères aux deux sexes, en une tendance à la transmission limitée au sexe mâle seul. Il est douteux aussi que la coloration de beaucoup d’oiseaux femelles soit due à la conservation, comme moyen de sécurité, de variations limitées, dès l’abord, dans leur transmission aux individus de ce sexe. Je crois qu’il convient, cependant, de renvoyer toute discussion ultérieure sur ce sujet, jusqu’à ce que j’aie traité, dans le chapitre suivant, des différences qui existent entre le plumage des jeunes oiseaux et celui des oiseaux adultes.

  1. Gould, Birds of Great Britain.