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des tectrices, susceptibles de se redresser et de se déployer, ornées de deux ocelles partiellement confluents, assez longues pour recouvrir à peu près les rectrices elles-mêmes, qui avaient déjà en partie perdu leurs ocelles, c’est-à-dire un oiseau voisin du polyplectron. Les échancrures du disque central et des zones qui entourent l’ocelle chez les deux espèces de paons, me paraissent militer fortement en faveur de cette hypothèse, car cette particularité serait autrement inexplicable. Les polyplectrons mâles sont incontestablement de très-beaux oiseaux, mais à quelque distance on ne saurait les comparer au paon. Les ancêtres femelles de cet oiseau doivent, pendant une longue période, avoir apprécié cette supériorité ; car, par la préférence continue pour les plus beaux mâles, elles ont inconsciemment contribué à rendre le paon le plus splendide des oiseaux.


Le Faisan Argus. — Les ocelles qui ornent les rémiges du faisan Argus nous offrent un autre champ excellent pour nos recherches. Ces ocelles, admirablement ombrés, ressemblent absolument à des boules posées sur une coupe, et diffèrent par là des ocelles ordinaires. Personne, je pense, ne songerait à attribuer au simple hasard ces ombres délicates fondues d’une façon si exquise et qu’ont si vivement admirées tous les artistes, à un concours fortuit d’atomes de matière colorante. Il semble vraiment qu’en affirmant que ces ornements résultent de la sélection de variations successives, dont pas une n’était primitivement destinée à produire l’illusion d’une boule dans une cavité, on veuille se moquer du lecteur, tout comme si l’on soutenait qu’une madone de Raphaël est le résultat de la sélection de barbouillages exécutés fortuitement par une longue série de jeunes peintres, dont pas un ne comptait d’abord dessiner une figure humaine. Pour découvrir comment ces ocelles se sont développés, nous ne pouvons interroger ni une longue lignée d’ancêtres, ni des formes voisines, qui n’existent plus aujourd’hui. Mais heureusement les diverses plumes de l’aile suffisent pour nous fournir l’explication du problème, car elles nous prouvent, jusqu’à l’évidence, qu’une gradation est au moins possible entre une simple tache et un ocelle produisant l’effet absolu d’une boule placée dans une cavité.

Les rémiges portant les ocelles sont couvertes de raies (fig. 57) ou de rangées de taches foncées (fig. 59) ; chacune de ces bandes ou de ces rangées de taches se dirige obliquement du bord extérieur de la tige vers un ocelle. Les taches sont généralement allongées transversalement à la rangée dont elles font partie. Elles se réunis-