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beaux que les oiseaux de paradis ; quiconque a feuilleté les beaux volumes de M. Gould, ou visité sa riche collection, ne peut le contester. Ces oiseaux affectent une diversité d’ornements très-remarquable. Presque toutes les parties du plumage ont été le siège de modifications, qui, comme me l’a indiqué M. Gould, ont été poussées à un point extrême chez quelques espèces appartenant à presque tous les sous-groupes. Ces cas présentent une singulière analogie avec ceux que nous présentent les races que nous élevons pour l’ornementation, nos races de luxe, en un mot. Un caractère a primitivement varié chez certains individus, et certains autres caractères chez d’autres individus de la même espèce ; l’homme s’est emparé de ces variations et les a poussées à un point extrême, comme la queue du pigeon-paon, le capuchon du jacobin, le bec et les caroncules du messager, etc. Il existe toutefois une différence dans un de ces cas ; le résultat a été obtenu grâce à la sélection opérée par l’homme, tandis que, dans l’autre, celui des oiseaux-mouches, des oiseaux de paradis, etc., le résultat provient de la sélection que les femelles exercent en choisissant les plus beaux mâles.

Je ne citerai plus qu’un oiseau, remarquable par l’extrême contraste de coloration qui existe entre les mâles et les femelles ; c’est le fameux oiseau-cloche, Chasmorhynchus niveus, de l’Amérique du Sud, dont, à une distance de près de quatre kilomètres, on peut distinguer la note qui étonne tous ceux qui l’entendent pour la première fois. Le mâle est blanc pur, la femelle vert obscur ; la première de ces couleurs est assez rare chez les espèces terrestres de taille moyenne et à habitudes inoffensives. Le mâle, s’il faut en croire la description de Waterton, porte sur la base du bec un tube contourné en spirale, long de près de huit centimètres. Ce tube, noir comme le jais, est couvert de petites plumes duveteuses ; il peut se remplir d’air par communication avec le palais, et pend sur le côté lorsqu’il n’est pas insufflé. Ce genre renferme quatre espèces ; les mâles de ces quatre espèces sont très-différents les uns des autres, tandis que les femelles, dont la description a fait l’objet d’un mémoire intéressant de M. Sclater, se ressemblent beaucoup ; c’est là un excellent exemple de la règle générale que nous avons posée, à savoir que, dans un même groupe, les mâles diffèrent beaucoup plus les uns des autres que ne le font les femelles. Chez une seconde espèce, le C. nudicollis, le mâle est également blanc de neige, à l’exception d’un large espace de peau nue sur la gorge et autour des yeux, peau qui, à l’époque des amours, prend une belle teinte verte. Chez une troisième espèce (C. tricarunculatus), le mâle n’a de blanc que la tête et le cou, le reste du corps est brun