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  Conclusions. 567

tant de géologues ont éprouvée lorsque Lyell a démontré le premier que les longues lignes d’escarpements intérieurs, ainsi que l’excavation des grandes vallées, sont le résultat d’influences que nous voyons encore agir autour de nous. L’esprit ne peut concevoir toute la signification de ce terme : un million d’années, il ne saurait davantage ni additionner ni percevoir les effets complets de beaucoup de variations légères, accumulées pendant un nombre presque infini de générations.

Bien que je sois profondément convaincu de la vérité des opinions que j’ai brièvement exposées dans le présent volume, je ne m’attends point à convaincre certains naturalistes, fort expérimentés sans doute, mais qui, depuis longtemps, se sont habitués à envisager une multitude de faits sous un point de vue directement opposé au mien. Il est si facile de cacher notre ignorance sous des expressions telles que plan de création, unité de type, etc. ; et de penser que nous expliquons quand nous ne faisons que répéter un même fait. Celui qui a quelque disposition naturelle à attacher plus d’importance à quelques difficultés non résolues qu’à l’explication d’un certain nombre de faits rejettera certainement ma théorie. Quelques naturalistes doués d’une intelligence ouverte et déjà disposée à mettre en doute l’immutabilité des espèces peuvent être influencés par le contenu de ce volume, mais j’en appelle surtout avec confiance à l’avenir, aux jeunes naturalistes, qui pourront étudier impartialement les deux côtés de la question. Quiconque est amené à admettre la mutabilité des espèces rendra de véritables services en exprimant consciencieusement sa conviction, car c’est seulement ainsi que l’on pourra débarrasser la question de tous les préjugés qui l’étouffent.

Plusieurs naturalistes éminents ont récemment exprimé l’opinion qu’il y a, dans chaque genre, une multitude d’espèces, considérées comme telles, qui ne sont cependant pas de vraies espèces ; tandis qu’il en est d’autres qui sont réelles, c’est-à-dire qui ont été créées d’une manière indépendante. C’est là, il me semble, une singulière conclusion. Après avoir reconnu une foule de formes, qu’ils considéraient tout récemment encore comme des créations spéciales, qui sont encore considérées comme telles par la grande majorité des naturalistes, et qui conséquemment ont tous