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  Conclusions. 565

l’action directe des conditions de milieux et les variations qui, dans notre ignorance, nous semblent surgir spontanément, ont aussi joué un rôle, moins important, il est vrai, par leur influence sur les conformations d’adaptation dans le passé et dans le présent. Il paraît que je n’ai pas, dans les précédentes éditions de cet ouvrage, attribué un rôle assez important à la fréquence et à la valeur de ces dernières formes de variation, en ne leur attribuant pas des modifications permanentes de conformation, indépendamment de l’action de la sélection naturelle. Mais, puisque mes conclusions ont été récemment fortement dénaturées et puisque l’on a affirmé que j’attribue les modifications des espèces exclusivement à la sélection naturelle, on me permettra, sans doute, de faire remarquer que, dans la première édition de cet ouvrage, ainsi que dans les éditions subséquentes, j’ai reproduit dans une position très évidente, c’est-à-dire à la fin de l’introduction, la phrase suivante : « Je suis convaincu que la sélection naturelle a été l’agent principal des modifications, mais qu’elle n’a pas été exclusivement le seul. » Cela a été en vain, tant est grande la puissance d’une constante et fausse démonstration ; toutefois, l’histoire de la science prouve heureusement qu’elle ne dure pas longtemps.

Il n’est guère possible de supposer qu’une théorie fausse pourrait expliquer de façon aussi satisfaisante que le fait la théorie de la sélection naturelle les diverses grandes séries de faits dont nous nous sommes occupés. On a récemment objecté que c’est là une fausse méthode de raisonnement ; mais c’est celle que l’on emploie généralement pour apprécier les événements ordinaires de la vie, et les plus grands savants n’ont pas dédaigné non plus de s’en servir. C’est ainsi qu’on en est arrivé à la théorie ondulatoire de la lumière ; et la croyance à la rotation de la terre sur son axe n’a que tout récemment trouvé l’appui de preuves directes. Ce n’est pas une objection valable que de dire que, jusqu’à présent, la science ne jette aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’origine de la vie. Qui peut expliquer ce qu’est l’essence de l’attraction ou de la pesanteur ? Nul ne se refuse cependant aujourd’hui à admettre toutes les conséquences qui découlent d’un élément inconnu, l’attraction, bien que Leibnitz ait autrefois reproché à Newton