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  Récapitulation. 559

les insectes neutres, qui ne laissent pas de descendants pour hériter des effets d’habitudes longuement continuées. Dans l’hypothèse que toutes les espèces d’un même genre descendent d’un même parent dont elles ont hérité un grand nombre de points communs, nous comprenons que les espèces alliées, placées dans des conditions d’existence très différentes, aient cependant à peu près les mêmes instincts ; nous comprenons, par exemple, pourquoi les merles de l’Amérique méridionale tempérée et tropicale tapissent leur nid avec de la boue comme le font nos espèces anglaises. Nous ne devons pas non plus nous étonner, d’après la théorie de la lente acquisition des instincts par la sélection naturelle, que quelques-uns soient imparfaits et sujets à erreur, et que d’autres soient une cause de souffrance pour d’autres animaux.

Si les espèces ne sont pas des variétés bien tranchées et permanentes, nous pouvons immédiatement comprendre pourquoi leur postérité hybride obéit aux mêmes lois complexes que les descendants de croisements entre variétés reconnues, relativement à la ressemblance avec leurs parents, à leur absorption mutuelle à la suite de croisements successifs, et sur d’autres points. Cette ressemblance serait bizarre si les espèces étaient le produit d’une création indépendante et que les variétés fussent produites par l’action de causes secondaires.

Si l’on admet que les documents géologiques sont très imparfaits, tous les faits qui en découlent viennent à l’appui de la théorie de la descendance avec modifications. Les espèces nouvelles ont paru sur la scène lentement et à intervalles successifs ; la somme des changements opérés dans des périodes égales est très différente dans les différents groupes. L’extinction des espèces et de groupes d’espèces tout entiers, qui a joué un rôle si considérable dans l’histoire du monde organique, est la conséquence inévitable de la sélection naturelle ; car les formes anciennes doivent être supplantées par des formes nouvelles et perfectionnées. Lorsque la chaîne régulière des générations est rompue, ni les espèces ni les groupes d’espèces perdues ne reparaissent jamais. La diffusion graduelle des formes dominantes et les lentes modifications de leurs descendants font qu’après de longs intervalles de temps les formes vivantes paraissent avoir simultanément changé dans le monde entier. Le fait que les restes fossiles de