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506 Affinités mutuelles des êtres organisés.  

forme d’ithomia. M. Bates, se basant sur des faits de ce genre, conclut que le leptalis varie d’abord ; puis, quand une variété arrive à ressembler quelque peu à un papillon abondant dans la même localité, cette variété, grâce à sa similitude avec une forme prospère et peu inquiétée, étant moins exposée à être la proie des oiseaux et des insectes, est par conséquent plus souvent conservée ; — « les degrés de ressemblance moins parfaite étant successivement éliminés dans chaque génération, les autres finissent par rester seuls pour propager leur type. » Nous avons là un exemple excellent de sélection naturelle.

MM. Wallace et Trimen ont aussi décrit plusieurs cas d’imitation également frappants, observés chez les lépidoptères, dans l’archipel malais ; et, en Afrique, chez des insectes appartenant à d’autres ordres, M. Wallace a observé aussi un cas de ce genre chez les oiseaux, mais nous n’en connaissons aucun chez les mammifères. La fréquence plus grande de ces imitations chez les insectes que chez les autres animaux est probablement une conséquence de leur petite taille ; les insectes ne peuvent se défendre, sauf toutefois ceux qui sont armés d’un aiguillon, et je ne crois pas que ces derniers copient jamais d’autres insectes, bien qu’ils soient eux-mêmes copiés très souvent par d’autres. Les insectes ne peuvent échapper par le vol aux plus grands animaux qui les poursuivent ; ils se trouvent donc réduits, comme tous les êtres faibles, à recourir à la ruse et à la dissimulation.

Il est utile de faire observer que ces imitations n’ont jamais dû commencer entre des formes complètement dissemblables au point de vue de la couleur. Mais si l’on suppose que deux espèces se ressemblent déjà quelque peu, les raisons que nous venons d’indiquer expliquent aisément une ressemblance absolue entre ces deux espèces à condition que cette ressemblance soit avantageuse à l’une d’elles. Si, pour une cause quelconque, la forme copiée s’est ensuite graduellement modifiée, la forme copiste a dû entrer dans la même voie et se modifier aussi dans des proportions telles, qu’elle a dû revêtir un aspect et une coloration absolument différents de ceux des autres membres de la famille à laquelle elle appartient. Il y a, cependant, de ce chef une certaine difficulté, car il est nécessaire de supposer, dans quelques cas, que des individus appartenant à plusieurs groupes distincts