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482 Distribution géographique.  

l’on considère les deux variétés comme des espèces, la distribution en sera aussitôt réduite de beaucoup. Nous n’entendons pas dire non plus que les espèces aptes à franchir les barrières et à se répandre au loin, telles que certaines espèces d’oiseaux au vol puissant, ont nécessairement une distribution très étendue, car il faut toujours se rappeler que l’extension d’une espèce implique non seulement l’aptitude à franchir les obstacles, mais la faculté bien plus importante de pouvoir, sur un sol étranger, l’emporter dans la lutte pour l’existence sur les formes qui l’habitent. Mais, dans l’hypothèse que toutes les espèces d’un même genre, bien qu’actuellement réparties sur divers points du globe souvent très éloignés les uns des autres, descendent d’un unique ancêtre, nous devions pouvoir constater, et nous constatons généralement en effet, que quelques espèces au moins présentent une distribution considérable.

Nous devons nous rappeler que beaucoup de genres dans toutes les classes sont très anciens et que les espèces qu’ils comportent ont eu, par conséquent, amplement le temps de se disséminer et d’éprouver de grandes modifications ultérieures. Les documents géologiques semblent prouver aussi que les organismes inférieurs, à quelque classe qu’ils appartiennent, se modifient moins rapidement que ceux qui sont plus élevés sur l’échelle ; ces organismes ont, par conséquent, plus de chances de se disperser plus largement, tout en conservant les mêmes caractères spécifiques. En outre, les graines et les œufs de presque tous les organismes inférieurs sont très petits, et par conséquent plus propres à être transportés au loin ; ces deux causes expliquent probablement une loi formulée depuis longtemps et que Alph. de Candolle a récemment discutée en ce qui concerne les plantes, à savoir : que plus un groupe d’organismes est placé bas sur l’échelle, plus sa distribution est considérable.

Tous les rapports que nous venons d’examiner, c’est-à-dire la plus grande dissémination des formes inférieures, comparativement à celle des formes supérieures ; la distribution considérable des espèces faisant partie de genres eux-mêmes très largement répandus ; les relations qui existent entre les productions alpines, lacustres, etc., et celles qui habitent les régions basses