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  Habitants des îles. 479

fois réunies. Les courants marins qui traversent l’archipel sont très rapides, et les coups de vent extrêmement rares, de sorte que les îles sont, en fait, beaucoup plus séparées les unes des autres qu’elles ne le paraissent sur la carte. Cependant, quelques-unes des espèces spéciales à l’archipel ou qui se trouvent dans d’autres parties du globe, sont communes aux diverses îles, et nous pouvons conclure de leur distribution actuelle qu’elles ont dû passer d’une île à l’autre. Je crois, toutefois, que nous nous trompons souvent en supposant que les espèces étroitement alliées envahissent nécessairement le territoire les unes des autres, lorsqu’elles peuvent librement communiquer entre elles. Il est certain que, lorsqu’une espèce est douée de quelque supériorité sur une autre, elle ne tarde pas à la supplanter en tout ou en partie ; mais il est probable que toutes deux conservent leur position respective pendant très longtemps, si elles sont également bien adaptées à la situation quelles occupent. Le fait qu’un grand nombre d’espèces naturalisées par l’intervention de l’homme, se sont répandues avec une étonnante rapidité sur de vastes surfaces, nous porte à conclure que la plupart des espèces ont dû se répandre de même ; mais il faut se rappeler que les espèces qui s’acclimatent dans des pays nouveaux ne sont généralement pas étroitement alliées aux habitants indigènes ; ce sont, au contraire, des formes très distinctes, appartenant dans la plupart des cas, comme l’a démontré Alph. de Candolle, à des genres différents. Dans l’archipel Galapagos, un grand nombre d’oiseaux, quoique si bien adaptés pour voler d’île en île, sont distincts dans chacune d’elles ; c’est ainsi qu’on trouve trois espèces étroitement alliées de merles moqueurs, dont chacune est confinée dans une île distincte. Supposons maintenant que le merle moqueur de l’île Chatham soit emporté par le vent dans l’île Charles, qui possède le sien ; pourquoi réussirait-il à s’y établir ? Nous pouvons admettre que l’île Charles est suffisamment peuplée par son espèce locale, car chaque année il se pond plus d’œufs et il s’élève plus de petits qu’il n’en peut survivre, et nous devons également croire que l’espèce de l’île Charles est au moins aussi bien adaptée à son milieu que l’est celle de l’île Chatham. Je dois à sir C. Lyell et à M. Wollaston communication d’un fait remarquable en rapport avec cette question :