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476 Distribution géographique.  

être même vingt-trois, sont considérés comme des espèces si distinctes, qu’on les suppose créées dans le lieu même ; pourtant rien n’est plus manifeste que l’affinité étroite qu’ils présentent avec les oiseaux américains par tous leurs caractères, par leurs mœurs, leurs gestes et les intonations de leur voix. Il en est de même pour les autres animaux et pour la majorité des plantes, comme le prouve le docteur Hooker dans son admirable ouvrage sur la flore de cet archipel. En contemplant les habitants de ces îles volcaniques isolées dans le Pacifique, distantes du continent de plusieurs centaines de kilomètres, le naturaliste sent cependant qu’il est encore sur une terre américaine. Pourquoi en est-il ainsi ? pourquoi ces espèces, qu’on suppose avoir été créées dans l’archipel Galapagos, et nulle part ailleurs, portent-elles si évidemment cette empreinte d’affinité avec les espèces créées en Amérique ? Il n’y a rien, dans les conditions d’existence, dans la nature géologique de ces îles, dans leur altitude ou leur climat, ni dans les proportions suivant lesquelles les diverses classes y sont associées, qui ressemble aux conditions de la côte américaine ; en fait, il y a même une assez grande dissemblance sous tous les rapports. D’autre part, il y a dans la nature volcanique du sol, dans le climat, l’altitude et la superficie de ces îles, une grande analogie entre elles et les îles de l’archipel du Cap-Vert ; mais quelle différence complète et absolue au point de vue des habitants ! La population de ces dernières a les mêmes rapports avec les habitants de l’Afrique que les habitants des Galapagos avec les formes américaines. La théorie des créations indépendantes ne peut fournir aucune explication de faits de cette nature. Il est évident, au contraire, d’après la théorie que nous soutenons, que les îles Galapagos, soit par suite d’une ancienne continuité avec la terre ferme (bien que je ne partage pas cette opinion), soit par des moyens de transport éventuels, ont dû recevoir leurs habitants d’Amérique, de même que les îles du Cap-Vert ont reçu les leurs de l’Afrique ; les uns et les autres ont dû subir des modifications, mais ils trahissent toujours leur lieu d’origine en vertu du principe d’hérédité.

On pourrait citer bien des faits analogues ; c’est, en effet, une loi presque universelle que les productions indigènes d’une île soient en rapport de parenté étroite avec celles des continents ou des