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nettement distinctes sont complètement féconds. Quelques auteurs croient qu’une domesticité longtemps prolongée diminue cette forte tendance à la stérilité. L’histoire du chien et celle de quelques autres animaux domestiques rend cette opinion très probable, si on l’applique à des espèces étroitement alliées ; mais il me semblerait téméraire à l’extrême d’étendre cette hypothèse jusqu’à supposer que des espèces primitivement aussi distinctes que le sont aujourd’hui les Messagers, les Culbutants, les Grosses-gorges et les Paons aient pu produire des descendants parfaitement féconds inter se.

Ces différentes raisons, qu’il est peut-être bon de récapituler, c’est-à-dire : l’improbabilité que l’homme ait autrefois réduit en domesticité sept ou huit espèces de pigeons et surtout qu’il ait pu les faire se reproduire librement en cet état ; le fait que ces espèces supposées sont partout inconnues à l’état sauvage et que nulle part les espèces domestiques ne sont redevenues sauvages ; le fait que ces espèces présentent certains caractères très anormaux, si on les compare à toutes les autres espèces de colombides, bien qu’elles ressemblent au Biset sous presque tous les rapports ; le fait que la couleur bleue et les différentes marques noires reparaissent chez toutes les races, et quand on les conserve pures, et quand on les croise ; enfin, le fait que les métis sont parfaitement féconds — toutes ces raisons nous portent à conclure que toutes nos races domestiques descendent du Biset ou Columbia livia et de ses sous-espèces géographiques.

J’ajouterai à l’appui de cette opinion : premièrement, que le Columbia livia ou Biset s’est montré, en Europe et dans l’Inde, susceptible d’une domestication facile, et qu’il y a une grande analogie entre ses habitudes et un grand nombre de points de sa conformation avec les habitudes et la conformation de toutes les races domestiques ; deuxièmement, que, bien qu’un Messager anglais, ou un Culbutant courte-face, diffère considérablement du Biset par certains caractères, on peut cependant, en comparant les diverses sous-variétés de ces deux races, et principalement celles provenant de pays éloignés, établir entre elles et le Biset une série presque complète reliant les deux extrêmes (on peut établir les mêmes séries dans quelques autres cas, mais non pas avec toutes les races) ; troisièmement, que les principaux carac-