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394 Succession géologique des êtres organisés.  

riodiques, est aujourd’hui généralement abandonnée, même par des géologues tels que E. de Beaumont, Murchison, Barrande, etc., que leurs opinions générales devraient naturellement conduire à des conclusions de cette nature. Il résulte, au contraire, de l’étude des formations tertiaires que les espèces et les groupes d’espèces disparaissent lentement les uns après les autres, d’abord sur un point, puis sur un autre, et enfin de la terre entière. Dans quelques cas très rares, tels que la rupture d’un isthme et l’irruption, qui en est la conséquence, d’une foule de nouveaux habitants provenant d’une mer voisine, ou l’immersion totale d’une île, la marche de l’extinction a pu être rapide. Les espèces et les groupes d’espèces persistent pendant des périodes d’une longueur très inégale ; nous avons vu, en effet, que quelques groupes qui ont apparu dès l’origine de la vie existent encore aujourd’hui, tandis que d’autres ont disparu avant la fin de la période paléozoïque. Le temps pendant lequel une espèce isolée ou un genre peut persister ne paraît dépendre d’aucune loi fixe. Il y a tout lieu de croire que l’extinction de tout un groupe d’espèces doit être beaucoup plus lente que sa production. Si l’on figure comme précédemment l’apparition et la disparition d’un groupe par un trait vertical d’épaisseur variable, ce dernier s’effile beaucoup plus graduellement en pointe à son extrémité supérieure, qui indique la marche de l’extinction, qu’à son extrémité inférieure, qui représente l’apparition première, et la multiplication progressive de l’espèce. Il est cependant des cas où l’extinction de groupes entiers a été remarquablement rapide ; c’est ce qui a eu lieu pour les ammonites à la fin de la période secondaire.

On a très gratuitement enveloppé de mystères l’extinction des espèces. Quelques auteurs ont été jusqu’à supposer que, de même que la vie de l’individu a une limite définie, celle de l’espèce a aussi une durée déterminée. Personne n’a pu être, plus que moi, frappé d’étonnement par le phénomène de l’extinction des espèces. Quelle ne fut pas ma surprise, par exemple, lorsque je trouvai à la Plata la dent d’un cheval enfouie avec les restes de mastodontes, de mégathériums, de toxodontes et autres mammifères géants éteints, qui tous avaient coexisté à une période géologique récente avec des coquillages encore vivants. En effet, le cheval, depuis son