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  Extinction. 393

Nous avons vu dans le chapitre précédent que des groupes entiers d’espèces semblent parfois apparaître tous à la fois et soudainement. J’ai cherché à donner une explication de ce fait, qui serait, s’il était bien constaté, fatal à ma théorie. Mais de pareils cas sont exceptionnels ; la règle générale, au contraire, est une augmentation progressive en nombre, jusqu’à ce que le groupe atteigne son maximum, tôt ou tard suivi d’un décroissement graduel. Si on représente le nombre des espèces contenues dans un genre, ou le nombre des genres contenus dans une famille, par un trait vertical d’épaisseur variable, traversant les couches géologiques successives contenant ces espèces, le trait paraît quelquefois commencer à son extrémité inférieure, non par une pointe aiguë, mais brusquement. Il s’épaissit graduellement en montant ; il conserve souvent une largeur égale pendant un trajet plus ou moins long, puis il finit par s’amincir dans les couches supérieures, indiquant le décroissement et l’extinction finale de l’espèce. Cette multiplication graduelle du nombre des espèces d’un groupe est strictement d’accord avec ma théorie, car les espèces d’un même genre et les genres d’une même famille ne peuvent augmenter que lentement et progressivement la modification et la production de nombreuses formes voisines ne pouvant être que longues et graduelles. En effet, une espèce produit d’abord deux ou trois variétés, qui se convertissent lentement en autant d’espèces, lesquelles à leur tour, et par une marche également graduelle, donnent naissance à d’autres variétés et à d’autres espèces, et, ainsi de suite, comme les branches qui, partant du tronc unique d’un grand arbre, finissent, en se ramifiant toujours, par former un groupe considérable dans son ensemble.

EXTINCTION.

Nous n’avons, jusqu’à présent, parlé qu’incidemment de la disparition des espèces et des groupes d’espèces. D’après la théorie de la sélection naturelle, l’extinction des formes anciennes et la production des formes nouvelles perfectionnées sont deux faits intimement connexes. La vieille notion de la destruction complète de tous les habitants du globe, à la suite de cataclysmes pé-