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  Absence des variétés intermédiaires. 377

dues et peu profondes de l’archipel, les dépôts de sédiment ne pourraient guère, pendant les périodes de soulèvement, atteindre une bien grande épaisseur, ni être recouverts et protégés par des dépôts subséquents qui assureraient leur conservation jusque dans un avenir éloigné. Les époques d’affaissement doivent probablement être accompagnées de nombreuses extinctions d’espèces, et celles de soulèvement de beaucoup de variations ; mais, dans ce dernier cas, les documents géologiques sont beaucoup plus incomplets.

On peut douter que la durée d’une grande période d’affaissement affectant tout ou partie de l’archipel, ainsi que l’accumulation contemporaine des sédiments, doive excéder la durée moyenne des mêmes formes spécifiques ; deux conditions indispensables pour la conservation de tous les états de transition qui ont existé entre deux ou plusieurs espèces. Si tous ces intermédiaires n’étaient pas conservés, les variétés de transition paraîtraient autant d’espèces nouvelles bien que très voisines. Il est probable aussi que chaque grande période d’affaissement serait interrompue par des oscillations de niveau, et que de légers changements de climat se produiraient pendant de si longues périodes ; dans ces divers cas, les habitants de l’archipel émigreraient.

Un grand nombre des espèces marines de l’archipel s’étendent actuellement à des milliers de lieues de distance au-delà de ses limites ; or, l’analogie nous conduit certainement à penser que ce sont principalement ces espèces très répandues qui produisent le plus souvent des variétés nouvelles. Ces variétés sont d’abord locales, ou confinées dans une seule région ; mais si elles sont douées de quelque avantage décisif sur d’autres formes, si elles continuent à se modifier et à se perfectionner, elles se multiplient peu à peu et finissent par supplanter la souche mère. Or, quand ces variétés reviennent dans leur ancienne patrie, comme elles diffèrent d’une manière uniforme, quoique peut-être très légère, de leur état primitif, et comme elles se trouvent enfouies dans des couches un peu différentes de la même formation, beaucoup de paléontologistes, d’après les principes en vigueur, les classent comme des espèces nouvelles et distinctes.

Si les remarques que nous venons de faire ont quelque jus-