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  Pauvreté des collections. 363

par d’autres formations plus récentes, sans que la couche sous-jacente ait subi dans l’intervalle la moindre dénudation ou la moindre dislocation, ne peut s’expliquer que si l’on admet que le fond de la mer demeure souvent intact pendant des siècles. Les eaux pluviales chargées d’acide carbonique doivent souvent dissoudre les fossiles enfouis dans les sables ou les graviers, en s’infiltrant dans ces couches lors de leur émersion. Les nombreuses espèces d’animaux qui vivent sur les côtes, entre les limites des hautes et des basses marées, paraissent être rarement conservées. Ainsi, les diverses espèces de Chthamalinées (sous-famille de cirripèdes sessiles) tapissent les rochers par myriades dans le monde entier ; toutes sont rigoureusement littorales ; or — à l’exception d’une seule espèce de la Méditerranée qui vit dans les eaux profondes, et qu’on a trouvée à l’état fossile en Sicile — on n’en a pas rencontré une seule espèce fossile dans aucune formation tertiaire ; il est avéré, cependant, que le genre Chthamalus existait à l’époque de la craie. Enfin, beaucoup de grands dépôts qui ont nécessité pour s’accumuler des périodes extrêmement longues, sont entièrement dépourvus de tous débris organiques, sans que nous puissions expliquer pourquoi. Un des exemples les plus frappants est la formation du flysch, qui consiste en grès et en schistes, dont l’épaisseur atteint jusqu’à 6000 pieds, qui s’étend entre Vienne et la Suisse sur une longueur d’au moins 300 milles, et dans laquelle, malgré toutes les recherches, on n’a pu découvrir, en fait de fossiles, que quelques débris végétaux.

Il est presque superflu d’ajouter, à l’égard des espèces terrestres qui vécurent pendant la période secondaire et la période paléozoïque, que nos collections présentent de nombreuses lacunes. On ne connaissait, par exemple, jusque tout récemment encore, aucune coquille terrestre ayant appartenu à l’une ou l’autre de ces deux longues périodes, à l’exception d’une seule espèce trouvée dans les couches carbonifères de l’Amérique du Nord par sir C. Lyell et le docteur Dawson ; mais, depuis, on a trouvé des coquilles terrestres dans le lias. Quant aux restes fossiles de mammifères, un simple coup d’œil sur la table historique du manuel de Lyell suffit pour prouver, mieux que des pages de détails, combien leur conservation est rare et acciden-