Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.
270 Objections diverses.  

certaines conformations ; or, nous nous imaginons que la sélection naturelle aurait dû produire ces conformations parce qu’elles nous paraissent avantageuses pour l’espèce. Mais, dans ce cas, la sélection naturelle n’a pu provoquer les conformations dont il s’agit, parce qu’elles ne jouent aucun rôle dans la lutte pour l’existence. Dans bien des cas, la présence simultanée de conditions complexes, de longue durée, de nature particulière, agissant ensemble, est nécessaire au développement de certaines conformations, et il se peut que les conditions requises se soient rarement présentées simultanément. L’opinion qu’une structure donnée, que nous croyons, souvent à tort, être avantageuse pour une espèce, doit être en toute circonstance le produit de la sélection naturelle, est contraire à ce que nous pouvons comprendre de son mode d’action. M. Mivart ne nie pas que la sélection naturelle n’ait pu effectuer quelque chose ; mais il la regarde comme absolument insuffisante pour expliquer les phénomènes que j’explique par son action. Nous avons déjà discuté ses principaux arguments, nous examinerons les autres plus loin. Ils me paraissent peu démonstratifs et de peu de poids, comparés à ceux que l’on peut invoquer en faveur de la puissance de la sélection naturelle appuyée par les autres agents que j’ai souvent indiqués. Je dois ajouter ici que quelques faits et quelques arguments dont j’ai fait usage dans ce qui précède, ont été cités dans le même but, dans un excellent article récemment publié par la Medico-Chirurgical Review.

Actuellement, presque tous les naturalistes admettent l’évolution sous quelque forme. M. Mivart croit que les espèces changent en vertu « d’une force ou d’une tendance interne », sur la nature de laquelle on ne sait rien. Tous les transformistes admettent que les espèces ont une aptitude à se modifier, mais il me semble qu’il n’y a aucun motif d’invoquer d’autre force interne que la tendance à la variabilité ordinaire, qui a permis à l’homme de produire, à l’aide de la sélection, un grand nombre de races domestiques bien adaptées à leur destination, et qui peut avoir également produit, grâce à la sélection naturelle, par une série de gradations, les races ou les espèces naturelles. Comme nous l’avons déjà expliqué, le résultat final constitue généralement un progrès dans l’organisation ; cependant il se présente un