Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.
264 Objections diverses.  

développées et les plus parfaites. Quiconque examine avec soin les fleurs des orchidées, ne peut nier l’existence de la série des gradations précitées — depuis une masse de grains de pollen réunis entre eux par des filaments, avec un stigmate ne différant que fort peu de celui d’une fleur ordinaire, jusqu’à un appareil pollinifère très compliqué et admirablement adapté au transport par les insectes ; on ne peut nier non plus que toutes les gradations sont, chez les diverses espèces, très bien adaptées à la conformation générale de chaque fleur, dans le but de provoquer sa fécondation par les insectes. Dans ce cas et dans presque tous les autres, l’investigation peut être poussée plus loin, et on peut se demander comment le stigmate d’une fleur ordinaire a pu devenir visqueux ; mais, comme nous ne connaissons pas l’histoire complète d’un seul groupe d’organismes, il est inutile de poser de pareilles questions, auxquelles nous ne pouvons espérer répondre.

Venons-en aux plantes grimpantes. On peut les classer en une longue série, depuis celles qui s’enroulent simplement autour d’un support, jusqu’à celles que j’ai appelées à feuilles grimpantes et à celles pourvues de vrilles. Dans ces deux dernières classes, les tiges ont généralement, mais pas toujours, perdu la faculté de s’enrouler, bien qu’elles conservent celle de la rotation, que possèdent également les vrilles. Des gradations insensibles relient les plantes à feuilles grimpantes avec celles pourvues de vrilles, et certaines plantes peuvent être indifféremment placées dans l’une ou l’autre classe. Mais, si l’on passe des simples plantes qui s’enroulent à celles pourvues de vrilles, une qualité importante apparaît, c’est la sensibilité au toucher, qui provoque, au contact d’un objet, dans les tiges des feuilles ou des fleurs, ou dans leurs modifications en vrilles, des mouvements dans le but de l’entourer et de le saisir. Après avoir lu mon mémoire sur ces plantes, on admettra, je crois, que les nombreuses gradations de fonction et de structure existant entre les plantes qui ne font que s’enrouler et celles à vrilles sont, dans chaque cas, très avantageuses pour l’espèce. Par exemple, il doit être tout à l’avantage d’une plante grimpante de devenir une plante à feuilles grimpantes, et il est probable que chacune d’elles, portant des feuilles à tiges longues, se serait développée en une plante à feuilles grimpantes, si les tiges des feuilles avaient présenté, même à un faible