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  Objections diverses. 263

détails sur une des plus frappantes particularités des fleurs des orchidées, c’est-à-dire sur leurs amas de pollen. Un amas pollinique bien développé consiste en une quantité de grains de pollen fixés à une tige élastique ou caudicule, et réunis par une petite quantité d’une substance excessivement visqueuse. Ces amas de pollen sont transportés par les insectes sur le stigmate d’une autre fleur. Il y a des espèces d’orchidées chez lesquelles les masses de pollen n’ont pas de caudicule, les grains étant seulement reliés ensemble par des filaments d’une grande finesse ; mais il est inutile d’en parler ici, cette disposition n’étant pas particulière aux orchidées ; je peux pourtant mentionner que chez le Cypripedium, qui se trouve à la base de la série de cette famille, nous pouvons entrevoir le point de départ du développement des filaments. Chez d’autres orchidées, ces filaments se réunissent sur un point de l’extrémité des amas de pollen, ce qui constitue la première trace d’une caudicule. Les grains de pollen avortés qu’on découvre quelquefois enfouis dans les parties centrales et fermes de la caudicule nous fournissent une excellente preuve que c’est là l’origine de cette conformation, même quand elle est très développée et très allongée.

Quant à la seconde particularité principale, la petite masse de matière visqueuse portée par l’extrémité de la caudicule, on peut signaler une longue série de gradations, qui ont toutes été manifestement utiles à la plante. Chez presque toutes les fleurs d’autres ordres, le stigmate sécrète une substance visqueuse. Chez certaines orchidées une matière similaire est sécrétée, mais en quantité beaucoup plus considérable, par un seul des trois stigmates, qui reste stérile peut-être à cause de la sécrétion copieuse dont il est le siège. Chaque insecte visitant une fleur de ce genre enlève par frottement une partie de la substance visqueuse, et emporte en même temps quelques grains de pollen. De cette simple condition, qui ne diffère que peu de celles qui s’observent dans une foule de fleurs communes, il est des degrés de gradation infinis — depuis les espèces où la masse pollinique occupe l’extrémité d’une caudicule courte et libre, jusqu’à celles où la caudicule s’attache fortement à la matière visqueuse, le stigmate stérile se modifiant lui-même beaucoup. Nous avons, dans ce dernier cas, un appareil pollinifère dans ses conditions les plus