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  Objections diverses. 253

comprise entre les yeux se contracte temporairement. Malm a eu l’occasion de voir un jeune poisson relever et abattre l’œil inférieur sur une distance angulaire de 70 degrés environ.

Il faut se rappeler que, pendant le jeune âge, le crâne est cartilagineux et flexible, et que, par conséquent, il cède facilement à l’action musculaire. On sait aussi que, chez les animaux supérieurs, même après la première jeunesse, le crâne cède et se déforme lorsque la peau ou les muscles sont contractés de façon permanente par suite d’une maladie ou d’un accident. Chez les lapins à longues oreilles, si l’une d’elles retombe et s’incline en avant, son poids entraîne dans le même sens tous les os du crâne appartenant au même côté de la tête, fait dont j’ai donné une illustration. (De la Variation des animaux, etc., I, 127, traduction française.) Malm a constaté que les jeunes perches, les jeunes saumons, et plusieurs autres poissons symétriques venant de naître, ont l’habitude de se reposer quelquefois sur le côté au fond de l’eau ; ils s’efforcent de diriger l’œil inférieur vers le haut, et leur crâne finit par se déformer un peu. Cependant, ces poissons se trouvant bientôt à même de conserver la position verticale, il n’en résulte chez eux aucun effet permanent. Plus les pleuronectes vieillissent, au contraire, plus ils se reposent sur le côté, à cause de l’aplatissement croissant de leur corps, d’où la production d’un effet permanent sur la forme de la tête et la position des yeux. À en juger par analogie, la tendance à la torsion augmente sans aucun doute par hérédité. Schiödte croit, contrairement à quelques naturalistes, que les pleuronectes ne sont pas même symétriques dans l’embryon, ce qui permettrait de comprendre pourquoi certaines espèces, dans leur jeunesse, se reposent sur le côté gauche, d’autres sur le droit. Malm ajoute, en confirmation de l’opinion précédente, que le Trachyterus arcticus adulte, qui n’appartient pas à la famille des pleuronectes, repose sur le côté gauche au fond de l’eau et nage diagonalement ; or, chez ce poisson, on prétend que les deux côtés de la tête sont quelque peu dissemblables. Notre grande autorité sur les poissons, le docteur Günther, conclut son analyse du travail de Malm par la remarque que « l’auteur donne une explication fort simple de la condition anormale des pleuronectes. »

Nous voyons ainsi que les premières phases du transport de