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HÉRÉDITÉ.

inconnue, commencé à se recourber en dedans chez un homme, le même fait se présenta chez ses deux fils au même âge que chez le père. Des affections névralgiques étranges et inexplicables se déclarent souvent chez parents et enfants, à la même période de leur existence[1].

Voici encore deux cas qui sont intéressants comme exemples de la disparition aussi bien que de l’apparition de la maladie aux âges correspondants. Deux frères, leur père, leurs oncles paternels, sept cousins et le grand-père paternel, avaient tous été semblablement affectés d’une maladie de la peau nommée pityriasis versicolor ; cette affection, qui fut rigoureusement circonscrite aux mâles de la famille (bien que transmise par les femmes), parut à l’époque de la puberté et disparut entre quarante et quarante-cinq ans. Dans l’autre cas, quatre frères à l’âge de douze ans souffraient chaque semaine de violents maux de tête ; leur père, leurs oncles paternels, leur grand-père et leurs grands-oncles paternels avaient tous éprouvé ces mêmes maux de tête, qui avaient disparu à l’âge de cinquante cinq à cinquante-six ans, et dont aucune des femmes de la famille n’avait été affectée[2].


D’après les faits qui précédent, de maladies apparaissant au même âge chez plusieurs membres d’une même famille, et dans le cours de trois générations et davantage, surtout dans les cas d’affections rares dont la coïncidence ne peut être attribuée au hasard, il est impossible de mettre en doute qu’il n’y ait une tendance évidente à une transmission héréditaire des maladies aux époques correspondantes de la vie. Les exceptions, lorsqu’il s’en présente, ont lieu dans le sens d’une manifestation plus précoce de la maladie chez l’enfant que chez son parent, et très-rarement dans le sens inverse. Le Dr Lucas[3] donne plusieurs cas de maladies héréditaires qui se sont déclarées beaucoup plus tôt ; nous en avons cité un très-frappant à propos de cécité survenue pendant trois générations, et M. Bowman remarque que cela arrive souvent dans la cataracte. Il en est de même pour le cancer, et M. Paget, qui a tout spécialement étudié ce sujet, m’apprend que dans neuf cas sur dix, la dernière génération affectée est toujours atteinte du mal plus tôt que la précédente. Il ajoute que, dans les cas où le rapport est inverse, et où le cancer se déclare chez les membres des dernières générations plus tard que dans les

  1. Lucas, t. II, p. 678, 700, 702. — Sedgwick, 1863, p. 449 ; et juillet 1863, p. 162. — Dr J. Steinan, Essay on Hereditary Disease, 1843, p. 27, 34.
  2. Dr H. Stewart, Med. Chir. Review, avril 1863, p. 449, 477.
  3. O. C., t. II, p. 852.