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PRÉPONDÉRANCE DE TRANSMISSION.

Je sais que quelques auteurs ont considéré les cas analogues aux précédents, non pas comme dus à la prépondérance avec laquelle une espèce, race, ou individu, pouvait imprimer son cachet sur ses descendants, mais à de prétendues règles d’après lesquelles le père influencerait les caractères extérieurs, et la mère les organes internes ou vitaux. Mais la grande diversité qu’on remarque dans les règles données par différents auteurs prouve leur fausseté. Le Dr Lucas[1] a soigneusement discuté ce point, et a montré qu’aucune de ces règles, (et je pourrais en ajouter d’autres à celles qu’il a citées) n’est applicable à tous les animaux. Des règles analogues énoncées pour les plantes sont, d’après Gärtner[2], également erronées. Tant qu’on ne s’attache qu’à des races domestiques d’une seule espèce, ou peut-être aux espèces d’un même genre, quelques-unes de ces règles peuvent être vraies ; il semble, par exemple, que dans les croisements réciproques des diverses races gallines, le mâle donne en effet généralement la couleur[3], mais j’ai eu sous les yeux des exceptions très-frappantes. Il semble que chez les moutons, c’est le bélier qui donne aux produits croisés ses cornes, et sa toison spéciale ; et que dans le bétail, c’est du taureau que dépend la présence ou l’absence des cornes.

J’aurai, dans le chapitre prochain, où nous traiterons du croisement, l’occasion de montrer que certains caractères ne se mélangent que rarement ou jamais, dans le produit de croisement, mais sont transmis sans altération par l’un ou l’autre parent ; je mentionne ici ce fait, parce qu’étant quelquefois accompagné d’une prépondérance marquée de l’un des parents, celle-ci peut paraître avoir plus de force qu’elle n’en a réellement. Je montrerai, dans le même chapitre, que la rapidité avec laquelle une espèce ou race en efface ou absorbe une autre après des croisements réitérés, dépend principalement de la prépondérance de sa puissance de transmission.


En résumé, quelques-uns des cas précités, — celui du pigeon Tambour, par exemple, — prouvent qu’il y a une grande différence entre l’hérédité simple et la prépondérance, laquelle, dans l’ignorance où nous sommes, nous paraît agir le plus souvent tout à fait capricieusement. Un même caractère, même anormal ou monstrueux, tel que les plumes soyeuses, peut être transmis par différentes espèces, lorsqu’on les croise, ou très-fortement ou faiblement. Il est clair qu’une forme pure, à quelque sexe qu’elle appartienne, dans tous les cas où il n’y aura pas prépondérance plus forte dans un sexe que dans l’autre, l’emportera dans la transmission de ses caractères sur toute

  1. O. C., t. II, liv. II, chap. I.
  2. Bastarderzeugung, p. 264–266. — Naudin, O. C., t. I, p. 148, est arrivé à une conclusion semblable.
  3. Cottage Gardener, 1856, p. 101, 137.