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HÉRÉDITÉ.

reau Favourite[1] passe pour avoir exercé une influence prépondérante sur la race Courtes-cornes. On a également observé[2], dans les races de chevaux de course anglais, que certaines juments ont généralement transmis leurs caractères propres à leurs produits, tandis que dans ceux d’autres juments de sang également pur, c’étaient les caractères de l’étalon qui avaient prévalu.


L’influence de la prépondérance se fait surtout remarquer dans le croisement de certaines races. Les Courtes-cornes améliorés, quoique formant une race comparativement moderne, sont généralement reconnus comme possédant, au plus haut degré, le pouvoir d’imprimer leur cachet aux autres races, et c’est surtout à cause de cette faculté qu’ils sont si recherchés pour l’exportation[3]. Godron rapporte un cas curieux d’un bélier d’une race du cap de Bonne-Espérance, ressemblant à la chèvre, et qu’on croisa avec des brebis de douze races différentes, qui toutes donnèrent des produits identiques au père. Deux brebis provenant de ce croisement, livrées plus tard à un bélier mérinos, produisirent des agneaux très-semblables à la race mérinos. Girou de Buzareingues[4], a constaté que, sur deux races françaises, dont il avait, pendant plusieurs générations successives, croisé des brebis avec des béliers mérinos, les brebis d’une de ces races transmirent leurs caractères à leurs agneaux beaucoup plus longtemps que celles de l’autre. Sturm et Girou ont cité des cas analogues pour d’autres races de bétail et de moutons, mais où la prépondérance se trouvait du côté mâle. D’après des informations que j’ai recueillies dans l’Amérique du Sud, le bétail Niata, dans les croisements avec le bétail ordinaire, est toujours prépondérant, qu’on se serve des mâles ou des femelles, mais celles-ci ont une prépondérance encore plus forte que les mâles. Le chat Manx a les jambes postérieures longues et pas de queue, et d’après le Dr Wilson, sur vingt-trois petits chats, issus du croisement de chattes communes avec un chat Manx mâle, dix-sept n’eurent pas de queue ; dans le cas inverse du croisement d’une chatte Manx avec les chats ordinaires, tous les petits furent pourvus d’une queue, mais courte et imparfaite[5].

Dans les croisements entre les pigeons Grosse-gorge et les Paons, la race Grosse-gorge avait, par les deux sexes, la prépondérance sur l’autre ; mais je crois que ce résultat était plutôt dû à une faiblesse très-grande du pouvoir de transmission chez le pigeon Paon qu’à une augmentation extraordinaire de celui du Grosse-gorge, car j’ai observé que les Barbes ont aussi la prépondérance sur les pigeons Paons. Bien que la race des pigeons

  1. Gardener’s Chronicle, 1860, p. 270.
  2. N. H. Smith, Observations on Breeding ; Encyct. of rural Sports, p. 278.
  3. Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 170. — Sturm, Ueber Racen, 1825, p. 104–107. — Pour les niatas, voir mon Journal of Researches, 1845, p. 146.
  4. Lucas, O. C., t. II, p. 112.
  5. M. Orton, Physiology of Breeding, 1855, p. 9.