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PRÉPONDÉRANCE DE TRANSMISSION.

peut, avec tout autant ou même plus de probabilité, regarder le fait comme la conséquence de ce qu’il faut aux nouvelles conditions extérieures un certain temps pour accumuler leur action. Il serait, toutefois, peut-être téméraire de nier que les caractères deviennent plus fixes en se transmettant longtemps, et je croirais qu’on doit résumer ainsi les faits en disant — que tous les caractères, quels qu’ils soient, anciens ou nouveaux, tendent à être héréditaires, et que ceux qui ont déjà résisté à toutes les influences contraires et se sont transmis fidèlement, continueront en général à leur résister encore, et seront par conséquent toujours héréditaires.

PRÉPONDÉRANCE DANS LA TRANSMISSION DES CARACTÈRES.

Nous avons constaté, dans le chapitre précédent, que lorsqu’on apparie deux individus bien reconnaissables, ou qu’on croise deux races ou deux espèces bien marquées, il en résulte ordinairement que les produits sont, à la première génération, ou intermédiaires à leurs parents, ou ressemblent partiellement à l’un et à l’autre. Ce n’est cependant pas une règle invariable, car on a reconnu que, dans plusieurs cas, il y a des individus, des races ou des espèces qui exercent, quant à la transmission de leurs caractères, une influence prépondérante. Ce sujet a été fort bien discuté par P. Lucas[1] ; mais il se trouve fort compliqué par suite de ce que cette action prépondérante peut appartenir également aux deux sexes, ou être plus forte dans l’un que dans l’autre, et encore davantage par la présence de caractères sexuels secondaires qui rendent difficile la comparaison des produits métis avec leurs races parentes.

Il faut que, dans certaines familles, un ancêtre, et quelques autres après lui, aient eu une puissance très-grande de transmission sur la ligne descendante mâle, car autrement on ne comprendrait pas comment certains traits semblables auraient pu se transmettre après des mariages avec des femmes de provenances les plus diverses, comme cela a été le cas chez les empereurs d’Autriche, et, d’après Niebuhr, chez certaines familles romaines pour leurs qualités mentales[2]. Le fameux tau-

  1. Hérédité naturelle, t. II, p. 112–120.
  2. Sir H. Holland, Chapters on Mental Physiology, 1852, p. 234.