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HÉRÉDITÉ.

la présence, dans le jeune âge, et la disparition ultérieure de certains caractères qui sont quelquefois conservés pendant toute la vie. Quelques naturalistes regardent toutes ces structures anormales comme un retour au type idéal du groupe auquel l’animal affecté appartient ; mais il est difficile de comprendre ce qu’ils entendent par là. D’autres soutiennent avec plus de probabilité que le lien commun qui réunit les différents faits précités, est un retour partiel, mais réel, à la structure de l’ancien ancêtre du groupe. Si cette conception est correcte, nous devons croire qu’une grande quantité de caractères susceptibles d’évolution dorment cachés dans chaque être organisé. Mais il ne faudrait pas supposer que le nombre de ces caractères soit également grand chez tous. Nous savons, par exemple, que des plantes appartenant à beaucoup d’ordres divers peuvent être affectées de pélorie, mais on en a observé bien plus de cas dans les Labiées et les Scrophulariacées que dans aucun autre ordre ; et dans le genre Linaria faisant partie de ce dernier, on a décrit jusqu’à treize espèces ayant présenté des cas de pélorie[1]. D’après ce que nous avons pu voir des plantes péloriques, et de ce qui se passe dans certaines monstruosités du règne animal, nous devons conclure que les ancêtres primitifs de la plupart des plantes et des animaux, quoique fort différents par leur conformation, ont laissé dans les germes de leurs descendants une impression susceptible d’un redéveloppement.

Le germe fécondé d’un animal supérieur, soumis comme il l’est à une immense suite de changements, depuis la vésicule germinative jusqu’à la vieillesse, — incessamment ballotté dans ce que de Quatrefages appelle si bien le tourbillon vital, — est peut-être l’objet le plus étonnant de la nature. Il est probable qu’aucun changement, quel qu’il soit, ne peut affecter l’un ou l’autre parent, sans laisser de traces sur le germe. Mais ce dernier, selon la doctrine du retour, telle que nous venons de la donner, devient bien plus remarquable encore, car, outre les changements visibles auxquels il est soumis, il faut admettre qu’il est bourré de caractères invisibles, propres aux deux sexes, aux deux côtés du corps, et à une longue lignée d’an-

  1. Moquin-Tandon, Tératologie, p. 186.