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HÉRÉDITÉ.

leur prototype, nous ne pouvons guère douter que ces qualités n’aient dû exister dès l’abord dans l’individu, mais à un état latent, comme les caractères du papillon dans la chenille. Maintenant si ces mêmes animaux, avant d’avoir réacquis avec l’âge leurs caractères nouveaux, avaient dans l’intervalle donné naissance à des produits auxquels ils les transmettent certainement, ceux-ci paraîtraient alors tenir ces mêmes caractères de leurs grands-parents ou d’aïeux plus éloignés. Nous aurions donc là un cas de retour, c’est-à-dire de réapparition dans l’enfant, d’un caractère d’ancêtre, réellement présent, quoique latent pendant sa jeunesse, dans le parent immédiat ; et nous pouvons certainement admettre que c’est ce qui arrive dans les diverses formes du retour aux ancêtres, même les plus reculés.

L’idée de cet état latent, dans chaque génération, de tous les caractères qui réapparaissent par retour, est appuyée, tant par leur présence réelle dans quelques cas, pendant la jeunesse seulement, que par leur apparition fréquente et leur plus grande netteté pendant cet âge qu’à l’état adulte. C’est ce que nous avons remarqué à propos des raies sur les jambes ou la tête des diverses espèces du genre cheval. Le lapin Himalayen, lorsqu’on le croise, produit souvent des animaux qui font retour à la race parente gris argenté, et nous avons vu la fourrure gris pâle reparaître dans la première jeunesse sur des animaux de race pure. Nous pouvons être certains que des chats noirs produiraient occasionnellement par retour des chats tachetés, et on aperçoit presque toujours sur les jeunes chats noirs purs de race[1] de faibles traces de raies qui disparaissent ensuite. Le bétail sans cornes de Suffolk produit occasionnellement par retour des animaux à cornes, et Youatt[2] assure que, même chez les individus sans cornes, on peut souvent, dans le jeune âge, sentir au toucher des rudiments de cornes.

Il peut sans doute sembler fort improbable qu’à chaque génération, il y ait chez chaque cheval une aptitude latente et une tendance à produire des raies qui peuvent ne se manifester qu’une fois sur un grand nombre de générations ; que dans

  1. C. Vogt, Leçons sur l’Homme, trad. française, 1865, p. 535.
  2. On Cattle, p. 174.