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CARACTÈRES LATENTS.

à un coq à prendre soin des jeunes poulets, en le tenant longtemps enfermé seul et dans l’obscurité ; il pousse alors un cri particulier, et conserve ensuite, pendant toute sa vie, ce nouvel instinct maternel. Un certain nombre de cas bien constatés de divers mammifères mâles ayant produit du lait, prouvent que leurs glandes mammaires rudimentaires, peuvent conserver la faculté de lactation à un état latent.

Nous voyons ainsi que, dans plusieurs cas, et probablement dans tous, les caractères de chaque sexe demeurent à l’état latent chez le sexe opposé, prêts à se développer dans certaines circonstances particulières. Nous pouvons donc ainsi comprendre comment une vache bonne laitière, peut transmettre par sa progéniture mâle, ses bonnes qualités aux générations futures, car nous devons croire que ces qualités sont présentes, mais à l’état latent, chez les mâles de chaque génération. Il en est de même du coq de combat, qui transmet à sa progéniture mâle, par la femelle, sa vigueur et sa supériorité de courage ; on sait aussi que chez l’homme[1] les maladies qui, comme l’hydrocèle, sont nécessairement spéciales au sexe masculin, peuvent se transmettre au petit-fils par la femme. Les faits de cette nature offrent les cas les plus simples de retour ; et ils deviennent compréhensibles, si on admet que les caractères communs au grand-parent et au petit-fils du même sexe, sont présents, mais latents, dans le parent intermédiaire du sexe opposé.

Cette question des caractères latents est, comme nous le verrons par la suite, si importante, que je veux en donner un autre exemple. Plusieurs animaux ont les côtés droit et gauche du corps inégalement développés : on sait que c’est le cas des poissons plats, chez lesquels un des côtés diffère de l’autre, par son épaisseur, sa couleur et la forme des nageoires ; et un des yeux pendant la croissance du jeune animal, marche effectivement de la face inférieure à la supérieure, comme l’a montré Steenstrup[2]. Dans la plupart des poissons plats, c’est le côté gauche qui est aveugle, mais dans quelques-uns c’est le droit ; dans les deux cas, du reste, on voit des poissons renversés,

  1. Sir H. Holland, Medical Notes and Reflections, 3e édit., 1855, p. 31.
  2. Prof. Thompson sur les vues de Steenstrup, sur l’obliquité des plies, Annals and Mag. of Nat. Hist., 1865. p. 361.