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CARACTÈRES LATENTS.

conclusion que l’état des espèces parentes, en tant qu’affectées par la culture, serait une des causes prochaines déterminant le retour, s’accorderait assez avec le cas inverse des animaux domestiques et des plantes cultivées, qui sont sujets au retour lorsqu’ils redeviennent sauvages, car, dans les deux cas, la constitution ou l’organisation doivent éprouver, quoique d’une manière différente, quelque perturbation.

Enfin, nous avons vu que certains caractères reparaissent souvent, sans cause assignable, dans les races pures ; mais que lorsqu’elles redeviennent sauvages, le fait est, plus ou moins directement, déterminé par les changements survenus dans les conditions extérieures. Dans les races croisées, l’acte même du croisement fait certainement reparaître des caractères perdus depuis longtemps, ainsi que ceux dérivés de l’une ou de l’autre des formes parentes. Le changement des conditions, résultant de la culture, de la position relative des bourgeons, des fleurs et des graines sur la plante, paraît favoriser cette même tendance. Le retour peut avoir lieu, tant par reproduction de bourgeons que par génération séminale, habituellement dès la naissance, mais quelquefois plus tard ; et il peut se manifester sur des segments, ou des parties de l’individu seulement. C’est certainement un fait étonnant que de voir un être naissant semblable par ses caractères à un ancêtre éloigné de deux, trois, et, dans certains cas, de centaines et de milliers de générations. On dit, dans ces cas, que l’enfant tient directement ses caractères de ses ancêtres plus ou moins reculés, mais cette manière de voir est à peine concevable. Si toutefois nous supposons que tous les caractères sont exclusivement dérivés du père ou de la mère, mais qu’il y en ait qui demeurent latents pendant plusieurs générations chez les parents, les faits précédents deviennent compréhensibles. Nous examinerons dans un chapitre futur de quelle manière on peut concevoir un état latent des caractères.

Caractères latents. — Expliquons ce que nous entendons par des caractères latents. Ce sont les caractères sexuels secondaires qui nous en offrent l’exemple le plus sensible. Dans chaque femelle, tous les caractères secondaires mâles, et dans chaque mâle, tous les caractères secondaires femelles, existent à un état latent, prêts à se manifester dans certaines