Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
HÉRÉDITÉ.

L’opinion de Naudin, telle qu’il la présente, n’est pas applicable à la réapparition de caractères perdus depuis longtemps par variation ; et elle ne l’est qu’à peine aux races ou espèces qui, après avoir, à quelque époque antérieure, été croisées avec une forme distincte, croisement dont elles ont depuis perdu toutes traces, donnent occasionnellement naissance à un individu qui fait retour à la forme croisante, comme dans le cas des petit-fils au troisième degré de la chienne Sapho. Le cas de retour le plus simple, à savoir, celui d’un métis ou d’un hybride à son grand-parent, peut se relier par une série parfaitement graduée, au cas extrême d’une race pure, recouvrant des caractères qu’elle avait perdus depuis nombre de générations, ce qui doit nous faire admettre que tous les cas doivent avoir quelque commune liaison.

Gärtner paraît croire qu’il n’y a que les plantes hybrides très-stériles qui manifestent une tendance au retour vers leurs formes parentes. Il est peut-être téméraire de douter d’un aussi bon observateur ; mais cette conclusion me paraît erronée ; elle tient peut-être à la nature des plantes qu’il a étudiées, car il admet que cette tendance diffère suivant les genres. Les observations de Naudin contredisent directement son assertion, ainsi que le fait connu que les métis fertiles manifestent cette tendance au plus haut degré, et d’après Gärtner même, beaucoup plus que les hybrides[1].

Gärtner constate en outre que les faits de retour se présentent rarement dans les plantes hybrides provenant d’espèces qui n’ont pas été cultivées, tandis qu’ils sont fréquents chez celles d’espèces cultivées pendant longtemps. Cette conclusion explique une curieuse discordance : Max Wichura[2], qui a observé exclusivement des saules n’ayant pas été soumis à la culture, n’a jamais vu un cas de retour, et va jusqu’à soupçonner Gärtner de n’avoir pas suffisamment abrité ses hybrides contre le pollen des espèces parentes : Naudin, qui, d’autre part, a surtout expérimenté sur les Cucurbitacés et quelques autres plantes cultivées, insiste plus que tout autre auteur sur la tendance au retour de tous les hybrides. La

  1. Bastarderzeugung, p. 438, 582, etc.
  2. Die Bastardbefruchtung… der Weiden, 1865, p. 23. — Gärtner, Bastarderzeugung, p. 474, 582.