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poules, la seule que j’eusse conservée, se mit à couver à la troisième année, et fit éclore toute une couvée de poulets. Nous avons donc là la réapparition d’un instinct primitif à un âge plus avancé, analogue à celle que nous avons signalée, à propos du plumage rouge du Gallus bankiva, se manifestant chez des individus croisés ou purs de diverses races, à mesure qu’ils avançaient en âge.

Les parents de tous nos animaux domestiques devaient évidemment avoir, dans l’origine, un naturel sauvage ; or, lorsqu’on croise une espèce domestique avec une autre espèce, que celle-ci soit elle-même domestiquée ou simplement apprivoisée, les hybrides sont souvent fort sauvages, fait qui n’est compréhensible qu’autant qu’on admette que le croisement a dû causer un retour partiel à la disposition primitive.

Le comte de Powis avait autrefois importé du bétail à bosse de l’Inde, complètement domestiqué, qu’il croisa avec des races anglaises, lesquelles appartiennent à une espèce distincte ; et son surveillant me fit remarquer, sans que je lui eusse posé aucune question, combien les produits de ce croisement étaient singulièrement sauvages. Le sanglier européen et le porc chinois domestique appartiennent à deux espèces distinctes ; Sir F. Darwin, ayant croisé une truie de cette dernière race avec un sanglier qui était devenu très-apprivoisé, les petits, quoique renfermant dans leurs veines une moitié de sang domestique, se montrèrent excessivement sauvages, et refusaient de manger les lavures comme les autres porcs du pays. M. Hewitt, qui a opéré un grand nombre de croisements entre des faisans mâles apprivoisés et cinq races de poules, signale une grande sauvagerie comme caractérisant tous les produits de ces unions[1]; j’ai cependant vu une exception à cette règle. M. S. J. Salter[2], qui a élevé un grand nombre d’hybrides d’une poule Bantam par un coq Gallus Sonneratii, a remarqué aussi qu’ils étaient tous fort sauvages. M. Waterton[3] ayant élevé quelques canards sauvages, d’œufs couvés par une cane ordinaire, qui se croisèrent ensuite librement, tant entre eux qu’avec les canards communs, dit qu’ils étaient moitié sauvages, moitié appri-

  1. Poultry Book, par Tegetmeier, 1866, p. 165, 167.
  2. Natural History Review, 1863, p. 277.
  3. Essays on Natural History, p. 197.