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REMARQUES FINALES.

qu’au bout d’une longue suite de générations. Le temps aussi permet la fixation d’un caractère nouveau par la mise de côté continuelle des individus qui font retour ou varient, et la conservation de ceux qui ont hérité du caractère cherché. Aussi, quoique quelques animaux aient, dans de nouvelles conditions d’existence, varié très-rapidement sous certains rapports, comme les chiens dans l’Inde, et les moutons dans les Indes occidentales, la plupart des animaux et végétaux qui ont produit des races très-fortement marquées ont été domestiqués fort anciennement, même avant les temps historiques. Aussi n’avons-nous aucun document relatif à l’origine de nos principales races domestiques ; et même actuellement la formation de nouvelles branches ou sous-races se fait assez lentement pour que leur première apparition passe souvent inaperçue. Un éleveur porte son attention sur un point particulier, ou apparie simplement ses animaux avec plus de soin, et au bout de quelque temps, ses voisins aperçoivent une légère différence ; — celle-ci va augmentant par sélection inconsciente et méthodique, une nouvelle sous-race surgit ainsi, reçoit un nom local et se répand ; mais à ce moment, son histoire est presque oubliée. Quand cette nouvelle race s’est largement répandue, elle donne naissance à son tour à d’autres branches ou sous-races, dont les meilleures réussissent et se propagent, et finissent par supplanter les autres plus anciennes, et ainsi de suite ; telle est la marche de l’amélioration.

Lorsqu’une race bien accusée est une fois établie, si elle n’est pas remplacée par d’autres sous-races encore en voie d’amélioration, et si elle n’est pas exposée à des changements considérables de conditions d’existence de nature à provoquer chez elle soit une variabilité ultérieure, soit un retour à des caractères anciennement perdus, elle pourra durer très-longtemps. C’est ce que nous pouvons conclure de l’antiquité de certaines races, mais nous devons être circonspects sur ce point, car une même variation peut apparaître d’une manière indépendante après de longs intervalles, et dans des lieux fort éloignés. C’est très-probablement ce qui est arrivé pour le chien basset qui est figuré sur les anciens monuments égyptiens, pour le porc à sabots pleins[1] mentionné par Aristote,

  1. Godron, de l’Espèce, t. I, p. 368.