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REMARQUES FINALES

fèves, lentilles et pavots, — cultivés par les anciens habitants lacustres de la Suisse, étaient toutes plus petites que celles de nos races actuelles. Rütimeyer a aussi montré que les moutons et le bétail des anciennes habitations lacustres étaient également plus petits que ceux d’aujourd’hui. Dans les débris de cuisine du Danemark, le premier chien dont on ait retrouvé les restes était le plus faible, et a été remplacé pendant la période du bronze par un autre plus robuste, auquel succéda un troisième encore plus fort pendant l’âge du fer. Dans l’âge du bronze, le mouton du Danemark avait des membres extraordinairement grêles, et le cheval était plus petit que le cheval actuel[1]. Sans doute que, dans ces cas, des races nouvelles et plus grandes ont été introduites de pays étrangers par l’immigration de nouvelles hordes humaines ; mais il est peu probable que chacune de ces races plus fortes qui, avec le temps, a supplanté une race antérieure plus petite, ait dû descendre d’une espèce distincte et plus grande ; il est infiniment plus probable que les races domestiques de nos divers animaux se sont graduellement améliorées dans les différentes parties du grand continent européo-asiatique, et se sont de là répandues dans les autres pays. Ce fait de l’augmentation graduelle de la taille de nos animaux domestiques est d’autant plus frappant, que certains animaux à demi ou tout à fait sauvages, tels que le cerf, l’aurochs, le sanglier[2], ont, à peu près dans le cours de la même période, diminué de grandeur.

Les conditions favorables à la sélection par l’homme sont : — une grande attention dans l’étude des caractères, — une infatigable persévérance, — la facilité d’apparier ou de séparer les animaux, — la possibilité de les élever en grand nombre, de manière à pouvoir conserver les meilleurs et rejeter ou détruire les individus inférieurs. La circonstance du grand nombre augmente encore les chances de l’apparition de déviations de conformation bien accusées. La longueur du temps est aussi un fait de toute importance, car tout caractère doit être augmenté par la sélection de variations successives de même nature pour devenir bien prononcé, ce qui ne peut s’effectuer

  1. Morlot, Soc. Vaud. des sciences nat., mars 1860, p. 298.
  2. Rütimeyer, Die Fauna der Pfahlbauten, 1861, p. 30.